Le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme en France, avec 59 000 nouveaux cas détectés chaque année. Il représente la première cause de mortalité par cancer chez la femme.
Pourtant, s’il est pris en charge au stade précoce, les chances de survie à 5 ans sont comprises entre 95 et 99 %... contre moins de 30 % s’il n’est détecté qu’à un stade avancé, avec métastases. On comprend donc tout l’intérêt du dépistage et d’un diagnostic précoce.

Conférence du Dr Céline Lefèbvre

Conférence animée par le Dr Céline Lefèbvre, praticien hospitalier au service de gynécologie obstétrique du CHU d’Angers.

Prévention primaire, prévention secondaire

Dans le cadre du cancer du sein, il est indispensable d’associer deux notions complémentaires de prévention : la prévention primaire et la prévention secondaire.

La prévention primaire désigne l’ensemble des actions qui peuvent être mises en place pour limiter le risque de survenue de la maladie.

Il est scientifiquement avéré que certains facteurs liés au mode de vie amplifient le risque de développer un cancer du sein :

  • La consommation d’alcool
  • Le surpoids ou l’obésité
  • Le tabagisme
  • Une alimentation déséquilibrée
  • Le manque d’activité physique 

Par conséquent, la modification des habitudes et des comportements constitue un premier levier d’action afin de réduire le risque :

  • Pas plus de deux verres d’alcool par jour, et pas tous les jours
  • L’arrêt du tabac
  • Une alimentation saine et équilibrée
  • Une activité physique régulière, par exemple 30 mn de marche ou de vélo par jour.


La prévention secondaire désigne les actions qui peuvent être mises en place pour prendre en charge la maladie le plus précocement possible.

Le cancer du sein étant une maladie multifactorielle, la prévention primaire ne permet pas de l’éviter à coup sûr. Le seul moyen de détecter une éventuelle lésion cancéreuse est d’effectuer un dépistage. Et pour détecter le cancer à un stade précoce de son développement, le dépistage doit être répété à intervalles réguliers.

Les outils du dépistage

Le dépistage s’appuie sur différents outils complémentaires : examen clinique, mammographie, et si besoin imagerie médicale plus poussée.

  • L’examen clinique (inspection et palpation) effectué par un médecin généraliste, un gynécologue ou une sage-femme. Cet examen doit être réalisé dans le cadre d’une consultation de suivi de routine, une fois par an, ou pour une consultation de contrôle si la patiente constate un changement notable au niveau des seins : apparition d’une boule, d’une grosseur dans le sein ou sous un bras, modification de la peau (rétraction, rougeur, œdème), modification du mamelon ou de l’aréole (rétraction, changement de coloration, suintement ou écoulement), changement de forme des seins.

  • Les examens radiologiques :
    • La mammographie : cet examen d’une vingtaine de minutes nécessite de comprimer le sein entre deux plaques afin de bien visualiser les tissus de la glande mammaire.
    • L’échographie : indolore et non systématique, elle peut venir compléter la mammographie lorsque les seins sont denses ou pour caractériser une anomalie détectée.
    • L’IRM : non systématique, elle est préconisée dans certaines situations particulières, lorsque le risque de survenue de la maladie est considéré comme élevé.

Qui est concerné par le dépistage ?

Le dépistage du cancer du sein concerne toutes les femmes, mais ses modalités évoluent selon les différents facteurs de risque.

Les deux facteurs de risque principaux du cancer du sein sont :

  • Le sexe : bien que l’on observe quelques cas chez l’homme, plus de 99 % des cancers du sein surviennent chez la femme.
  • L’âge : 78 % des cancers du sein sont diagnostiqués chez des femmes âgées de plus de 50 ans.

D’autres facteurs de risque peuvent être identifiés selon les personnes :

  • Un antécédent personnel de cancer du sein
  • Un antécédent personnel de lésion non cancéreuse mais atypique
  • Des situations très particulières de patients ayant reçu une irradiation thoracique à haute dose pour traiter d’autres maladies, comme par exemple une maladie de Hodgkin
  • L’existence d’antécédents familiaux ou d’une prédisposition génétique.

Les modalités du dépistage

Le dépistage du cancer du sein s’appuie toujours sur les mêmes moyens (examen clinique, mammographie, autres imageries médicales) mais suivant un rythme variable selon le niveau de risque de chaque personne.

  • Pour les femmes qui n’ont pas d’autre facteur de risque que leur âge :
    • 1 examen clinique 1 fois par an à partir de l’âge de 25 ans
    • Mammographie tous les 2 ans à partir de l’âge de 50 ans
    • Ces femmes sont concernées par le programme national de dépistage organisé pour les femmes âgées de 50 à 74 ans. 
Le programme national de dépistage organisé
Ce programme a été mis en place en 2004 sur l’ensemble du territoire :
  • Toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans reçoivent une invitation par courrier tous les 2 ans afin de réaliser une mammographie. Le courrier contient les coordonnées de tous les radiologues agréés proches de leur lieu d’habitation.
  • Les clichés mammographiques sont lus par un premier radiologue. Les images classées comme normales ou bénignes sont revues par un second radiologue selon une procédure centralisée (double lecture). En cas d’image suspecte, un bilan diagnostic est effectué immédiatement.
  • Ces examens sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie sans avance de frais.
  • Pour les femmes présentant un niveau de risque élevé :
Les modalités de dépistage sont établies au cas par cas, les examens étant réalisés de manière plus précoce et/ou à des intervalles plus rapprochés.
 
  • Pour les femmes présentant une prédisposition génétique :
5 à 10 % des cancers du sein sont liés à une mutation génétique. En cas de prédisposition génétique, le risque de cancer du sein est très nettement augmenté, atteignant 40 à 80 %, avec notamment un risque de survenue du cancer à un âge jeune et sous une forme agressive.
La probabilité de l’existence d’une prédisposition génétique dépend des antécédents personnels et familiaux de cancer. Si elle apparait haute, la patiente peut se voir proposer une consultation oncogénétique et un test génétique. Si la prédisposition génétique est avérée, le dépistage sera plus fréquent et plus précoce.
Les contraintes de ce dépistage renforcé, ajoutées au stress que représente le risque élevé de développer la maladie, peut amener certaines patientes à réaliser une mastectomie bilatérale (ablation des deux seins par chirurgie, avec reconstruction si souhaité) afin de réduire le risque.

Et après 74 ans ?

Il ne faut surtout pas croire que le dépistage s’arrête parce qu’il n’y a plus de risque ! Au contraire, le risque continue de croître avec l’âge : plus d’un quart des nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués après 74 ans, et 48 % des décès par cancer du sein surviennent après 75 ans.
Il est donc essentiel de poursuivre le dépistage individuel après 74 ans : examen clinique au moins une fois par an, mammographies régulières.
Pour sensibiliser les femmes à ce sujet, le Collège national des gynécologues obstétriciens a lancé une campagne nationale, avec le soutien de la Ligue contre le cancer.

Les avantages et inconvénients du dépistage

Quels inconvénients ?
Outre ses aspects contraignants, le dépistage du cancer du sein est parfois décrié car il s’accompagne d’un certain nombre de risques potentiels :

  • Le risque de sur-diagnostic, et par conséquent de traitement appliqué à un cancer peu ou pas évolutif. En effet, si la majorité des cancers détectés évoluent, certains (10 à 20 %) évolueront peu ou seront sans conséquences pour la femme concernée. Le problème est qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de prédire l’évolutivité d’une lésion au moment de son diagnostic. Le principe de précaution nécessite de traiter l’ensemble des cancers détectés.
  • Le risque de cancer radio-induit : le sein est l’un des organes les plus radiosensibles. Or, la mammographie expose à des rayons X. Cependant, les doses de rayonnement sont extrêmement faibles et le risque de décès par cancer radio-induit reste très limité, de l’ordre de 1 à 10 pour 100 000 (parmi les femmes ayant réalisé une mammographie tous les deux ans pendant 10 ans). Cela reste largement inférieur au nombre de décès évités grâce au dépistage.
  • Le risque de développer un cancer d’intervalle, c’est-à-dire survenant durant la période de deux ans entre deux mammographies. Cette situation rare concerne moins de 2 femmes sur 1 000. Afin de permettre le diagnostic précoce de ces cancers éventuels, il est important de maintenir la surveillance clinique entre deux mammographies : autopalpation, examen clinique annuel, consultation systématique en cas de changement observé au niveau des seins.
  • Le risque de faux positif : il s’agit d’une anomalie mise en évidence lors de la mammographie et entraînant des examens complémentaires (radiographie, échographie ou biopsie), alors que la lésion va finalement s’avérer bégnine. Cela constitue une source d’inquiétude importante. Le risque de faux positif sur une série de 10 mammographies est de l’ordre de 20 %. Malgré cette marge d’erreur inhérente à l’interprétation parfois difficile des images, tout est fait pour limiter le plus possible les tests invasifs, la biopsie n’intervenant que dans 2 % des cas de faux positif.

Pour quels avantages ?
Pour autant, les bénéfices du dépistage organisé sont considérables :

  • Une augmentation très sensible des chances de guérison. Le taux de survie à 5 ans est de 99 % pour un cancer détecté à un stade précoce, contre 26 % s’il est déjà métastatique lors du diagnostic.
  • Une amélioration du parcours de soins : un cancer détecté à temps peut être soigné avec des traitements moins lourds et moins agressifs, et entraîne un recours moins fréquent à la chimiothérapie et à la mastectomie.
  • La mise en place d’un suivi régulier, un accès équitable et gratuit au dépistage sur l’ensemble du territoire, une qualité garantie de prise en charge par du personnel formé et avec du matériel contrôlé régulièrement.

Rappelons que seul un dépistage régulier et correctement réalisé permet de détecter un cancer du sein à un stade peu avancé de son développement.

Quelle démarche personnelle adopter ?

Le dépistage est toujours un choix personnel. Mais pour pouvoir faire un choix, il faut être informé et connaitre les avantages et inconvénients liés à la démarche.

Le médecin généraliste, le gynécologue ou la sage-femme sont les interlocuteurs privilégiés des femmes concernant cancer du sein : il ne faut pas hésiter à les solliciter pour toute question relative à ce sujet.

Il est également possible de s’informer sur internet, mais en veillant à sélectionner des sources sûres et fiables, comme par exemple le site de l’INCA, Institut National du Cancer : e-cancer.fr.

Le service de gynécologie obstétrique du CHU d’Angers

Le service de gynécologie-obstétrique du CHU d’Angers effectue chaque année près de 21 500 consultations et assure la prise en charge des patientes à la fois en obstétrique et en gynécologie. Toutes ces patientes sont sensibilisées au dépistage du cancer du sein.

Le service intègre également une activité d’oncogénétique afin de proposer aux patientes à risque une recherche de prédisposition génétique.

Agréé pour la cancérologie chirurgicale, le service peut assurer la prise en charge chirurgicale du cancer du sein, en lien avec l’Institut de Cancérologie de l’Ouest qui administre les traitements d’oncologie médicale.

Le service entretient des liens étroits avec le Centre de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) des Pays de la Loire.