En France, la question de la fin de vie est particulièrement sensible et soulève de nombreuses questions. Les choses évoluent cependant depuis quelques années, notamment avec la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Sans entrer dans les débats politiques ou juridiques, voyons comment le milieu médical, et en particulier les soins palliatifs, intègrent à leurs pratiques les nouveaux droits des patients. En particulier à travers trois aspects de la loi de 2016 : assurer au patient que sa volonté sera toujours entendue, y compris s’il n’est pas en état de pouvoir s’exprimer ; garantir que tout sera fait pour ne pas souffrir ; garantir une décision concertée entre le patient, son entourage et les équipes médicales, adaptée à chaque situation particulière.

Conférence du Dr Thierry Jeanfaivre et de Mmes Marie Richard et Stéphanie Obregon












Conférence co-animée par Mme Marie Richard, infirmière, Mme Stéphanie Obregon, psychologue, et le Dr Thierry Jeanfaivre, coordonnateur de la Fédération Douleur Aigüe Soins de Support et Palliatifs du CHU d’Angers.

1 – Qu’est-ce que la démarche palliative ?

La notion de « soins palliatifs » est née en Grande-Bretagne dans les années 1970. Elle a considérablement évolué au fil des années, notamment grâce aux progrès sociaux et médicaux. C’est pourquoi depuis les années 2000, les acteurs préfèrent parler de « démarche palliative », notion qui englobe non seulement les soins mais aussi les connaissances fondées sur les études scientifiques, le savoir-être, le savoir-faire, et la prise en compte de l’entourage du patient, etc.

La démarche palliative peut être définie comme « l’ensemble des soins actifs et continus visant au confort physique et psychologique optimal du malade tout au long de son parcours de soins. »

Il s’agit d’une démarche interactive, qui place le patient au cœur d’un ensemble de ressources concrètes et humaines, unies dans un même objectif d’accompagnement et de respect.

Loin de l’image contemplative que l’on peut parfois en avoir, la démarche palliative est donc un projet structuré et individualisé, né de la rencontre avec le patient et mené dans le temps et dans l’espace en fonction de ses volontés.

2 - La volonté de la personne malade sera toujours entendue, y compris lorsqu’elle n’est plus en état de s’exprimer

Avant toute décision, l’équipe soignante a l’obligation de chercher à connaître la volonté du patient, soit en le questionnant, soit – si celui-ci n’est pas en mesure de s’exprimer – en se renseignant sur l’existence de directives anticipées et d’une personne de confiance.

  • Les directives anticipées : il s’agit de documents écrits par la personne malade (ou avant sa maladie) et par lesquels elle fait valoir sa volonté en ce qui concerne ses conditions de fin de vie. Ces documents peuvent être conservés au domicile du patient ou, ce qui est fréquent, confiés à son médecin généraliste. Ces directives anticipées, qui sont révocables ou modifiables à tout moment par la personne tant qu’elle est en mesure de s’exprimer, permettent la pleine expression de la liberté de choix de chacun.
  • La personne de confiance : cette notion est apparue en 2006 et est clairement définie par la loi : il s’agit d’un proche du malade, ayant signé son engagement de recueillir et transmettre ses volontés. Cette personne tient aussi un rôle d’accompagnement et de soutien de la personne soignée au long de son parcours de soins. 
  • À défaut de directives anticipées et de personne de confiance, l’équipe soignante se tournera vers l’entourage, la famille et les proches du malade afin d’orienter ses décisions (voir point n°4 : la collégialité).
À savoir : légalement, la présence de documents écrits (directives anticipées) prime sur la personne de confiance.

3 - Tout sera mis en œuvre pour que le patient ne souffre pas

Cela signifie que l’équipe soignante doit utiliser tous les moyens à sa disposition sur les plans technique, pharmacologique et humain afin de limiter la douleur. Si tous ces moyens ne sont pas suffisants pour soulager la personne, cette lutte contre la douleur peut aller jusqu’à une sédation, c’est-à-dire un « endormissement », éventuellement maintenu jusqu’au décès du patient.

La loi du 2 février 2016 encadre cette sédation dans des conditions très précises, et établit un nouvel équilibre entre la liberté décisionnelle du patient et la responsabilité des soignants, en autorisant le malade à demander lui-même cette sédation et à en choisir les modalités.

Ainsi un patient en souffrance peut demander une sédation transitoire, par exemple pour mieux dormir la nuit tout en continuant à avoir une vie relationnelle en journée. Ou pour une durée de quelques jours, en attendant qu’un nouveau traitement soit efficace. Tout est fait à la demande du patient.

Les conditions légales sont :

  • d’être atteint d’une maladie grave et incurable entraînant le décès à court terme et de subir des symptômes réfractaires à tout traitement (par exemple, des douleurs devenues impossibles à soulager)
  • ou d’être atteint d’une maladie grave et incurable entraînant le décès à court terme et de vouloir anticiper la survenue certaine et inévitable de symptômes insupportables, notamment suite à l’arrêt d’un traitement. Par exemple dans le cas d’une maladie neurodégénérative, une personne qui sait que dans quelques jours ses muscles respiratoires vont être atteints, peut décider de mettre en place un endormissement anticipé avant de subir cette détresse respiratoire.

4 – Les décisions seront concertées entre le patient, son entourage et les équipes médicales, et adaptées à chaque situation particulière

La loi apporte ici une dimension profondément humaine à l’accompagnement de la fin de vie. Elle place le savoir médical à l’écoute du malade et de son entourage proche.

Si le malade n’est pas en état de s’exprimer, le médecin a l’obligation de suivre les directives anticipées. Mais si celles-ci n’existent pas, la loi précise que « la décision de limiter ou d’arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d’une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu’à l’issue de la procédure collégiale et après qu’a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l’un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. ».

Cela permet au médecin de s’appuyer sur l’avis, la perception et le regard de personnes qui connaissent bien le patient et qui seront à même, en interaction, de définir ce qui pourrait être le mieux pour lui afin d’adapter les soins et traitements.

Cette concertation fait également intervenir tous les professionnels de santé qui ont voix au chapitre, sans rapport hiérarchique. Ensuite interviennent les décisions médicales, qui sont argumentées, écrites et enfin transmises aux proches, cette traçabilité faisant partie intégrante de l’histoire de la personne : jusqu’au bout, une trace de l’histoire est conservée.

Les soins palliatifs au CHU d'Angers

Au CHU d’Angers, la démarche palliative est coordonnée par la Fédération Douleur Aigüe Soins de Support et Palliatifs. L’Unité de Soins Palliatifs accueille des patients de tous services et d’autres établissements hospitaliers grâce à des ressources spécifiques. Des Lits Identifiés de Soins Palliatifs ont été mis en place dans différents services pour permettre un accompagnement en continu à partir du diagnostic. Enfin, l’Équipe Mobile d’Accompagnement en Soins de Support et Palliatifs peut être un recours pour tous les services n’ayant pas de référent en soins palliatifs. Pour la pédiatrie, l’équipe Ressource Régionale en Soins palliatifs Pédiatriques des Pays de la Loire vient en appui des professionnels prenant en charge l’enfant.

Le CHU d’Angers met à la disposition des professionnels de santé exerçant à l’extérieur de l’hôpital des ressources spécifiques pour les accompagner et leur donner des conseils :

  • l’Équipe Mobile d’Accompagnement en Soins de Support et Palliatifs - 02 41 35 56 96
  • les réunions de concertation pluridisciplinaire en soins de support et palliatifs, permettent chaque mercredi à tous les soignants qui le souhaitent d’échanger sur les situations concrètes rencontrées dans leurs services
  • l'Équipe Ressource Régionale en Soins Palliatifs Pédiatriques des Pays de la Loire, site d'Angers - 02 41 35 60 00