Le domaine de l’alimentation véhicule de très nombreuses idées reçues, fermement installées dans l’imaginaire populaire bien que généralement fausses. Or ces préjugés peuvent entraîner des erreurs de comportement dans notre alimentation au quotidien.

À l’heure où un nouveau Programme National Nutrition-Santé vient d’être lancé en France, revenons sur plusieurs de ces préjugés et rappelons quelques repères essentiels pour mettre en place une alimentation saine et équilibrée.

Conférence du Dr Agnès Sallé

Conférence animée par le Dr Agnès Sallé, praticien hospitalier au service d’Endocrinologie-Diabétique-Nutrition du CHU d’Angers.

Les féculents

De quoi s’agit-il ?

Ce sont les aliments suivants : le pain, les pâtes, les pommes de terre, mais aussi les céréales (tout ce qui pousse sous forme d’épis) et les légumineuses (tout ce qui pousse sous forme de gousse).

A quoi servent les féculents ?

Ils apportent des glucides, le « carburant » de l’organisme. Ils sont indispensables au fonctionnement d’organes-clés, notamment le cerveau, le cœur et le foie, ainsi que pour fournir de l’énergie aux muscles. Les féculents doivent représenter 50 à 55 % de la ration calorique totale.
Il est donc recommandé d’en consommer à chaque repas (matin, midi et soir), en privilégiant plutôt les glucides complets, plus riches en fibres, en vitamines et en minéraux, et intéressants dans la prévention du diabète car ils ralentissent l’absorption du sucre.

Attention cependant en cas de régime végétarien : les féculents ne contiennent pas de vitamine B12, indispensable au fonctionnement du cerveau et du système nerveux. Il faudra donc penser à compenser par des apports complémentaires (œufs, produits laitiers ou compléments alimentaires) afin d’éviter toute carence.

Quelle est la différence entre céréales et légumineuses ?
Les légumineuses sont globalement plus riches en protéines, en minéraux et en fibres, mais peuvent aussi être plus riches en lipides que les céréales. De plus les protéines des légumineuses sont mieux assimilées par le corps que celles des céréales. Cependant ces deux familles de produits ne contiennent pas les mêmes acides aminés essentiels. C’est pourquoi il est conseillé d’alterner les deux.

Idée reçue : les féculents font grossir, il faut les éviter ? FAUX

Sauf bien sûr s’ils sont consommés en excès, mais c’est valable pour tous les aliments !
Par contre, il faut noter le rôle essentiel de la préparation dans l’apport calorique : par exemple, si 200 g de pâtes cuites + 5 g de beurre représentent 267 kcal, les mêmes pâtes accompagnées d’une sauce carbonara représentent 324 kcal et contiennent trois fois plus de lipides, et 200 g de lasagnes à la bolognaise représentent 402 kcal !

Le sucre

De quoi s’agit-il ?

Le sucre simple, dit également « rapide », est une source directe de glucose pour le corps, sans nécessiter de transformation par la digestion. Il participe donc aussi à fournir aux organes une partie de l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. On le trouve en morceaux et en poudre, blanc ou roux, mais aussi dans le miel, la confiture, les céréales raffinées, les viennoiseries, les desserts lactés (hormis nature), les pâtisseries et glaces, la grande famille des boissons sucrées (sodas, jus de fruits) et les bonbons.

Ce sont des aliments dont la consommation est associée au plaisir gustatif, alors que leur intérêt nutritionnel est très limité.

En temps normal notre organisme est capable de brûler une ration quotidienne de sucre simple équivalente à 15 % de l’apport total en glucides. En cas de consommation excessive, il est stocké sous forme de graisse.

Idée reçue : Le sucre fait grossir ? VRAI

S’il ne pose pas de problème quand il est associé en quantités faibles à d’autres ingrédients dans le cadre de préparations culinaires « maison », le sucre simple présente un risque important lorsqu’il est consommé en excès.
Le problème est que cette consommation excessive est très encouragée par l’offre alimentaire des pays occidentaux : une étude de l’INSEE comparant la consommation de différents aliments entre 1960 et 2014, a démontré une nette augmentation des boissons sucrées non alcoolisées, des produits sucrés en général, et des préparations industrielles qui contiennent toutes du sucre ajouté.

Or si l’on inverse la proportion de féculents (15 %) et de sucres simples (35 %) dans les apports quotidiens, le sucre est stocké sous forme de graisse dans le foie, le pancréas, le muscle, le ventre. Cela entraîne une perte de force musculaire, et l’apparition d’affections comme le diabète de type 2 ou la cirrhose dysmétabolique (maladie du foie gras, ou NASH).

Idée reçue : le sucre roux est préférable au sucre blanc ? FAUX

Tous les deux sont composés à 99 % de saccharose et possèdent donc la même valeur énergétique : 1 pierre de sucre = 5 g = 20 kCal.
Le sucre roux possède bien une valeur nutritive théoriquement supérieure car il contient davantage de magnésium, de potassium, de phosphore… mais à l’échelle d’une ration journalière normale, cela ne présente aucun intérêt.

Idée reçue : le sucre blanc est toujours raffiné ? FAUX

Le sucre de betterave est naturellement blanc, le sucre de canne doit être raffiné pour devenir blanc.

Idée reçue : le miel est un sucre naturel donc je peux en manger autant que je veux ? FAUX

Le miel reste du sucre à 80 % ! Par contre le miel contient aussi des minéraux et vitamines, mais en quantités infimes.

Le mécanisme du plaisir gustatif et de la dépendance au sucre

Lorsque l’on mange, les papilles de la langue activent les cellules réceptrices gustatives, qui déclenchent des secrétions neuro-hormonales. Certaines vont préparer le tube digestif et réguler l’absorption des aliments, et d’autres vont donner au cerveau des informations gustatives.
Or nous possédons deux cerveaux : le cerveau métabolique, analytique, qui tient compte des signaux de faim et de satiété et nous aide à adapter la prise alimentaire aux besoins énergétiques réels. Et le cerveau émotionnel, qui relie les aliments à des souvenirs, des émotions positives, et nous pousse à manger davantage certains aliments.
Un équilibre normal entre la satisfaction des besoins et du plaisir, se traduit par une alimentation raisonnable. Mais le sucre possède le pouvoir de suractiver le cerveau émotionnel et d’émousser l’action satiétogène du cerveau métabolique, ce qui conduit à une consommation préférentielle des aliments sucrés. Et il est extrêmement difficile de combattre cet engrenage cérébral et hormonal complexe.

Le gras

De quoi s’agit-il ?

Communément appelés « graisses », les lipides se trouvent principalement dans le beurre, les huiles, la crème fraîche, les fromages (en particulier les pâtes pressées ou persillées, ainsi que les fromages de brebis), les viandes rouges, les charcuteries, et enfin l’ensemble des préparations typiques de l’alimentation occidentale : pizzas, hamburgers, aliments panés (cordon bleu) et frits (frites, beignets) ou sucrés (viennoiseries, brioches, pâtisseries et gâteaux, crèmes desserts).

Quel est son rôle ?

Les lipides jouent deux rôles majeurs dans l’organisme : un rôle de stockage de l’énergie, sous forme de tissus adipeux, et un rôle structurel dans la composition des membranes des cellules.

Idée reçue : l’huile ne fait pas partie des matières grasses ? FAUX

Les huiles sont au contraire constituées à 100% de lipides, alors que le beurre par exemple en contient 80 %. 

Idée reçue : l’huile d’olive est la meilleure pour la santé ? FAUX

L’huile d’olive est très riche en oméga 9 et oméga 6, mais elle ne contient pas d’oméga 3, essentiels dans la prévention des risques cardio-vasculaires. C’est pourquoi il est recommandé de varier différentes huiles : lin, colza, noix (riches en oméga 3), pépins de raisin (riche en oméga 6)... À éviter : l’huile de coco, qui contient uniquement des acides gras saturés.

Idée reçue : il vaut mieux manger plus gras à midi que le soir ? FAUX

Le corps a la même capacité à absorber les graisses, quelque soit le moment de la journée.
Si la proportion de lipides dépasse 30 % des apports, cet excès est stocké de la même façon que le sucre.

Idée reçue : il faut éviter de manger le jaune de l’œuf car il contient beaucoup de cholestérol ? FAUX

Le jaune d’œuf est effectivement riche en cholestérol, mais une étude publiée en 2013 dans le British Medical Journal démontre que le cholestérol alimentaire n’entre quasiment pas en cause dans le cholestérol sanguin, celui-ci étant généré par le foie. Mieux, une consommation régulière d’œuf réduit de 25% le risque de maladie cardio-vasculaire grâce à sa forte teneur en vitamine B.

Les protéines :

De quoi s’agit-il ?

Les protéines sont, avec les glucides et les lipides, l’une des trois grandes familles de nutriments qui contribuent à l’apport énergétique indispensable au fonctionnement de l’organisme.
On distingue les protéines d’origine animale, apportées par les viandes, les poissons, les œufs et les produits laitiers, et les protéines d’origine végétale, contenues dans les légumineuses et les céréales.
Avec une nuance : les viandes et poissons contiennent l’ensemble des acides aminés essentiels, alors que les céréales et légumineuses sont déficitaires en certains éléments. De plus les protéines végétales sont dégradées lors de la cuisson et sont moins bien assimilées par le corps que les protéines de l’œuf (100 %), des viandes (70 à 80 %) et des poissons (plus de 80 %). Un régime strictement végétarien comporte donc un risque de dénutrition, si l’on ne pense pas à bien associer légumineuses et céréales et à apporter les compléments indispensables (notamment grâce aux œufs et aux produits laitiers).

Quel est leur rôle ?

Les protéines constituent le matériau de base pour la construction des muscles : non seulement les muscles squelettiques, indispensables à l’autonomie, mais aussi ceux du cœur et du diaphragme. Elles jouent également un rôle majeur dans les défenses immunitaires, le transport de l’oxygène ou encore la digestion des aliments.
Elles sont donc essentielles pour être en bonne santé. Il est recommandé qu’elles représentent 10 à 15 % des apports caloriques totaux.

Idée reçue : il faut consommer des protéines d’origine animale midi et soir ? FAUX

Il n’est pas utile de consommer de la viande ou du poisson à tous les repas, ni même tous les jours. Et il faut aussi penser aux protéines d’origine végétale.
Il est recommandé de réduire la consommation de viandes grasses et de charcuteries, d’augmenter la part des légumes secs, légumineuses et céréales complètes, et de compléter avec deux produits laitiers par jour.

Les produits laitiers :

De quoi s’agit-il ?

Les produits laitiers, issus principalement du lait de vache, de chèvre ou de brebis, sont les yaourts, les fromages, le fromage blanc. Attention, le beurre et la crème fraîche, bien qu’issus du lait, sont des matières grasses. 

Quel est leur rôle ?

Les produits laitiers constituent l’une des principales sources de calcium pour l’organisme, minéral indispensable à la formation et à la solidité des os et des dents, mais aussi à la coagulation sanguine et à la contraction musculaire.

Idée reçue : manger du fromage le soir fait grossir ? FAUX

Pas plus que le matin ! Le corps a la même capacité à absorber les apports énergétiques, quelque soit le moment de la journée.

Idée reçue : je suis intolérant au lactose, je peux consommer du lait de brebis qui n’en contient pas ? FAUX

Il en contient même davantage, environ 50 g/l contre 47 pour le lait de vache ! Il est également plus calorique et plus de deux fois plus riche en matières grasses.
Idée reçue : il y a moins de calcium dans le lait écrémé que dans le lait entier FAUX
Ce sont les lipides qui sont éliminés partiellement (lait demi-écrémé) ou totalement (lait écrémé), tous les autres composants du lait sont préservés.

Idée reçue : seul le lait contient du calcium ? FAUX

On en trouve également dans les fromages, les sardines, ainsi que dans de nombreux végétaux, notamment les graines de pavot, le persil frais, les figues, le cresson et les algues…
L’eau minérale en contient également, mais en quantités beaucoup moins importantes.

Idée reçue : les boissons végétales peuvent remplacer le lait de vache ? FAUX

Les jus végétaux (soja, amande, avoine, riz, coco…) n’ont pas la même valeur nutritive que le lait de vache, loin s’en faut ! Ils sont naturellement pauvres en protéines (à l’exception de la boisson au soja), généralement enrichis en sucre simple voire en huile, ne contiennent pas de calcium et très peu de vitamines.
C’est pourquoi la Cour de justice de la Communauté Européenne leur a interdit en juin 2017 l’usage de la dénomination « lait »

Autres idées reçues fréquentes :

Les légumes surgelés contiennent moins de nutriments que les légumes frais ? FAUX

Ils en contiennent même souvent davantage. Les vitamines sont très fragiles, elles sont notamment détruites par la lumière et par le stockage à l’air libre. Or les légumes surgelés sont refroidis immédiatement après avoir été récoltés et nettoyés. Leurs qualités sont souvent mieux préservées que pour la plupart des légumes frais, qui vont passer plusieurs jours à l’air libre ou être conservés dans de mauvaises conditions à la maison.
Cela n’est valable bien sûr que pour des légumes nature, pas pour les préparations industrielles !

Les sodas aux fruits peuvent m’apporter ma ration de fruits ? FAUX

Les sodas ne présentent aucun intérêt nutritionnel.
Quant aux jus de fruits, ils contiennent forcément moins de vitamines, de fibres et de protéines qu’un fruit cru. Seuls les jus pressés frais préservent les vitamines, à condition d’être consommés immédiatement.

Il faut manger les fruits en début de repas ? VRAI et FAUX

Si on les supporte mal en fin de repas, à cause du fructose qui peut provoquer des ballonnements, il est préférable de les manger en début de repas. Il est déconseillé de les manger entre les repas. En effet, en-dehors des repas le corps n’est pas préparé à la digestion et va donc stocker les sucres au lieu de les assimiler.

L’orange est l’aliment le plus riche en vitamine C ? FAUX

Le poivron jaune est l’aliment le plus riche en vitamine C, il en contient près de quatre fois plus que l’orange (183 mg/100g contre 59 mg/100g) ! Le kiwi en contient deux fois plus (92 mg/100g), il est donc à privilégier en saison.

Il ne faut pas consommer d’aliments riches en vitamine C le soir car cela empêche de dormir ? FAUX

Cette idée fausse a été diffusée dans les années 1930 suite à la mise sur le marché des premiers compléments en vitamine C, dont la notice contenait un avertissement sur les effets légèrement stimulants de ce produit. En effet, la vitamine C est impliquée dans la synthèse de la dopamine, neurotransmetteur stimulant l’éveil et la vigilance. Mais des études réalisées sur des volontaires ayant ingéré 4 g de vitamine C le soir, soit l’équivalent de 10 kg d’oranges, n’ont révélé aucune modification du cycle du sommeil ni aucun trouble fonctionnel au réveil.

Les épinards sont riches en fer ? FAUX

Cette réputation injustifiée est née d’une erreur de transcription sur la teneur en fer des épinards, à la fin du 19e siècle, estimée à 27 mg/100g au lieu de 2,7 mg/100g. Avant que l’erreur ne soit corrigée, l’idée s’était répandue auprès du grand public, encouragée notamment par le héros de dessin animé Popeye, qui puise sa force dans des boîtes d’épinards !
En réalité on trouve une proportion de fer bien supérieure dans les petits pois, le persil, les lentilles, le pissenlit, le pourpier, les haricots blancs… mais aussi toutes les viandes (et pas seulement les viandes rouges).

Sauter les repas fait maigrir ? FAUX

Notre poids est le résultat d’un équilibre entre les apports énergétiques de notre alimentation et les dépenses énergétiques du corps, réparties entre les dépenses métaboliques de fonctionnement (environ 60 %), la thermogénèse alimentaire (énergie dépensée pour digérer, environ 10 %), et la dépense liée à l’activité physique (environ 30 % pour une personne normalement active).
En cas de jeûne, le métabolisme de base va diminuer et le corps va puiser dans ses réserves. Mais à la fin du jeûne, lorsque l’on reprend un rythme d’alimentation normal, le corps va stocker ce qu’il considère comme des apports supplémentaires, en prévision d’une prochaine période de disette. D’où une prise de poids. C’est l’effet d’escalier bien connu des personnes qui enchaînent les régimes sans succès.
La meilleure solution pour ne pas prendre de poids est de manger de façon régulière, dans des quantités adaptées à nos besoins, et tout en ayant une activité physique minimale permettant d’équilibrer les apports et les dépenses.

En conclusion : adoptez le bon rythme alimentaire !

En septembre 2019, le 4e Programme National Nutrition-Santé a été lancé. Il contient notamment des conseils et repères pour adopter un mode de vie sain et une alimentation équilibrée.
Une alimentation équilibrée doit être diversifiée et contenir des légumes variés, des céréales complètes, des légumineuses, des protéines animales ou végétales, un peu de gras en variant différentes huiles, des fruits, des épices pour agrémenter le goût sans ajouter de graisses, des produits laitiers, et de l’eau.

Voici une liste des aliments à privilégier, avec quelques repères quantitatifs :

  • Glucides complets : à chaque repas
  • Eau : à volonté
  • Fruits : 2 par jour, au moment des repas
  • Légumes cuits ou crus : 3 par jour
  • Volaille (sans la peau) : 2 fois par semaine
  • Poissons gras : 2 fois par semaine
  • Produits laitiers natures : 2 par jour
  • Fromage : une portion (30 g) par jour
  • Charcuterie : 1 fois par semaine
  • Frites ou friture : 1 fois par semaine
  • Viennoiseries : 1 fois par semaine
  • Vin : maximum 1 verre par jour, et pas tous les jours
  • Beurre : 10 g par jour
  • Huiles : 1 cuillère à soupe par repas
  • Viande rouge : 1 fois par semaine
  • Crèmes dessert : 1 fois par semaine
  • Confiture : 1 fois par semaine
  • Pâtisseries : 1 fois par semaine
À proscrire : les sodas, confiseries et céréales raffinées, qui contiennent essentiellement du sucre et ne présentent aucun intérêt nutritionnel.

Le département d’endocrinologie-diabétologie et nutrition du CHU

Le département d’endocrinologie-diabétologie et nutrition du CHU d’Angers a pour vocation de s’occuper du diagnostic et du traitement du diabète, des maladies endocriniennes et des maladies de la nutrition (dénutrition, obésité).
Il propose des consultations spécialisées, complétées si nécessaires d’explorations fonctionnelles réalisées en ambulatoire (bilans biologie, tests hormonaux, examens spécialisés, imagerie), ainsi que l’hospitalisation de patients atteints de maladies endocriniennes et métaboliques.
Il assure également des consultations externes et des missions d’éducation thérapeutique, d’accompagnement et de conseil personnalisés.