Avec les beaux jours, les pratiques sportives non encadrées (course à pied, vélo, etc.) refleurissent. Ce qui est très bon pour la santé… à condition de ne pas se blesser ! En effet, les professionnels de santé assistent chaque printemps à une recrudescence soudaine de traumatologies liées au sport : tendinites, entorses, fractures de fatigue, lésions musculaires…
Les causes peuvent être purement techniques, par exemple un matériel inadapté à la morphologie. Mais la plupart du temps c’est une question d’attitude, de pratique inadaptée par rapport à ses propres capacités, son âge et à son état physique.
À partir de données scientifiques expliquant les mécanismes de déclenchement de ces pathologies, voyons quels sont les axes sur lesquels chacun peut agir pour se faire plaisir et profiter pleinement des bénéfices de l’activité physique.
 
 

Conférence du Dr Antoine Bruneau

Conférence du 9 mai 2017, animée par le Dr Antoine Bruneau, Chef de service au Centre régional de médecine du sport du CHU d’Angers.

Le contexte : l’essor de la pratique d’activités sportives

D’après une enquête récente effectuée par l’Insee, 65% des Français déclarent exercer au moins une heure d’activité sportive par semaine. Pourtant selon le baromètre santé, 75% des Français sont considérés comme sédentaires, c’est-à-dire marchant moins de 10 000 pas par jour. Ces deux résultats ne sont pas antinomiques car on peut très bien être inscrit à un club et pratiquer une heure de sport chaque samedi, tout en restant totalement sédentaire le reste de la semaine.
Ces dernières années, les campagnes d’information et d’incitation à un mode de vie équilibré (« mangez, bougez ») semblent avoir un certain impact. Pour preuve, les dépenses des ménages en matière de biens liés au sport progressent. Plus spécifiquement, la part consacrée aux services (salle, coaching) augmente davantage que le matériel et les équipements.
Les habitudes changent, de plus en plus de personnes pratiquent un sport facile d’accès en toute autonomie, par exemple la course à pied, souvent de façon spontanée et irrégulière. En d'autres termes, dès qu’il fait beau tout le monde ressort ses baskets… et oublie parfois les précautions nécessaires pour ne pas se faire mal ! 

Comment éviter les lésions musculaires ?

Élongation, déchirure, claquage, rupture… Derrière ce vocabulaire hérité de la presse sportive, se cache en réalité une seule traumatologie : une dégradation de la structure du muscle ou de son enveloppe, qui peut atteindre différents stades de gravité, de 1 à 4.
 

Comprendre et soigner la lésion

La principale information à retenir est qu’il ne faut pas négliger une première lésion musculaire. Bien réparer une première lésion, c’est prévenir les suivantes. Et a contrario, une lésion mal réparée augmente le risque de récidive. Comme une cicatrice sur la peau, une lésion musculaire laisse des traces sur le muscle. Mieux on « travaille » cette cicatrice pour l’effacer, mieux le muscle sera réparé.
Le repos est une base mais ce n’est pas suffisant, il faut avoir le réflexe de consulter et de suivre une rééducation qui est importante pour guider la cicatrisation et en assurer la bonne qualité. Ensuite il faut renforcer le muscle, le préparer à reprendre l’effort. Souvent négligée, cette phase de « réathlétisation » est essentielle : la reprise doit se faire très progressivement.
 

Savoir prévenir les accidents

On retrouve souvent sur Internet ou dans la presse, les mêmes conseils, simples, pour prévenir les accidents musculaires. Passons-les en revue afin de les confronter aux données scientifiques actuelles… et à certaines idées reçues :

  • Adapter sa pratique à ses capacités physiques : il est primordial de prendre conscience de ses capacités, de son état physique global, de son historique vis-à-vis de la pratique sportive. Le schéma de risque n’est pas le même selon l’âge, le mode de vie, l’entraînement, etc. Nous avons souvent tendance à en faire trop par rapport à nos capacités. Or quand on en demande trop au muscle, il se fragilise rapidement.
  • S’échauffer suffisamment, sans oublier les étirements : le rôle de l’échauffement est de faire monter en température les muscles. Un échauffement progressif et suffisamment long – au moins une dizaine de minutes – a des effets positifs sur l’élasticité du muscle, qui sera plus performant. Cependant cela n’évite pas la fatigue du muscle. La question de l’étirement reste complexe car le bénéfice éventuel est fonction de la personne, du sport concerné, et de la façon dont l’étirement est pratiqué. Il faut donc individualiser la démarche.
  • S’hydrater suffisamment : différentes études, réalisées notamment sur des joueurs de tennis, montrent que le manque d’hydratation fait baisser les performances globales du muscle et du corps, sans toutefois mettre en évidence une aggravation du risque de blessure. L’hydratation a donc plutôt un impact sur les performances et la récupération.
  • Adopter une alimentation équilibrée : c’est en effet logique car cela permet de mieux réguler son poids, et d’éviter les contraintes excessives sur le muscle entraînées par le surpoids.
  • Se protéger par temps froid : effectivement, pour permettre aux muscles de se réchauffer suffisamment, il faut consacrer plus de temps à l’échauffement s’il fait froid… et inversement, par temps chaud il faut adapter sa tenue aux conditions extérieures.
  • Avoir une bonne hygiène de vie et un bon sommeil : ce conseil de bon sens n’a pas de lien prouvé ou vérifié avec le risque d’accident musculaire, mais s’accorde avec une pratique sportive agréable et régulière.

Comment éviter les tendinites ?

Ici encore, un point de vocabulaire s’impose ! Le terme de tendinite n’est pas exact, car en médecine les maladies se terminant par « ite » sous-entendent une inflammation. Or dans le cas de la tendinite, la plupart du temps, il n’y a pas d’inflammation.
 

Comprendre et soigner la lésion

Dans le cadre d’une pratique sportive, les chocs et tractions répétés entraînent des micro-blessures internes, qui désorganisent l’architecture naturelle des fibres du tendon. Le tendon se répare de lui-même en continu, mais en cas de répétition excessive des contraintes, cette « réparation d’urgence » n’aboutit pas et ne parvient pas à redonner aux fibres leur finesse et leur alignement naturel. Le tendon va alors gonfler et devenir douloureux.
Dans ce cas, et contrairement aux idées reçues, l’utilisation des anti-inflammatoires, qui ont souvent des effets secondaires non négligeables, ne sert à rien. Cela ne va pas aider à rétablir la structure des fibres. Une fois que la tendinite s’est déclarée, seul un très long repos de plusieurs mois permettra au tendon de se réparer complètement. Et il faudra bien veiller à reprendre le sport de façon très progressive.
 

Savoir prévenir les accidents

Quelques conseils simples permettent de limiter les risques et d’éviter l’apparition des tendinites :

  • Mesurer le volume de la contrainte sur le tendon : là encore, il faut être conscient de ses capacités, de ses habitudes et de ses seuils de fatigue. Les qualités mécaniques des tendons demandent un entraînement progressif : ce n’est pas un hasard si les personnes qui se blessent le plus sont les novices et celles qui reprennent une pratique après plusieurs années sans sport.
  • Il est conseillé de croiser les sports, pratiquer plusieurs activités différentes dans la semaine (par exemple vélo, natation et course), afin de ne pas solliciter toujours les mêmes muscles de la même façon. De plus, cela permet aussi de mieux équilibrer la tonicité musculaire générale du corps.
  • Adapter le matériel à la pratique et à l’expérience : il y aurait un effet bénéfique des sols souples et des semelles amortissantes sur le risque de tendinite. Aujourd’hui le matériel de qualité est accessible très facilement, dès les premiers niveaux de prix. Il faut aussi penser à changer ses chaussures au moins chaque année, pour compenser l’usure des matériaux.
  • Attention au matériel extrême : les chaussures « minimalistes » à semelle plate peuvent être un outil d’entraînement intéressant pour des athlètes de haut niveau, mais sont à proscrire absolument dans le cas d’une pratique amateur débutante car elles entraînent un risque de blessure très élevé. De même, les chaussures hyper amortissantes à semelle très épaisse, qui gomment toute sensation, peuvent entraîner des mouvements mal contrôlés et des risques d’entorse.
  • Travailler l’équilibre général, la coordination et la tonicité musculaire : le risque de tendinite diminue lorsque l’on effectue des exercices réguliers d’équilibre, de coordination corporelle. Les déséquilibres entre différents groupes musculaires, notamment au niveau de la hanche, sont également facteurs de blessures tendineuses sur le genou. Il peut être utile de demander régulièrement à un kinésithérapeute de rééquilibrer les groupes musculaires et d’aider à adopter les bons gestes.

Le rôle actif des médicaments

Certains types d’antibiotiques, les quinolones, entraînent un risque élevé d’inflammation, de tendinite voire de rupture du tendon. Et certains traitements contre le cholestérol ou les infections urinaires, les statines, entraînent des courbatures musculaires qui peuvent aller jusqu’à la nécrose du muscle.
Il faut penser à signaler à son médecin traitant toute pratique sportive régulière : le dialogue permettra soit d’adapter le traitement si possible, soit de suspendre la pratique sportive durant le traitement.

 

Le Centre régional de médecine du sport du CHU d’Angers

Le Centre régional de médecine du sport du CHU d’Angers assure le suivi des sportifs de haut niveau : explorations fonctionnelles complémentaires des pathologies de l'exercice, explorations des maladies vasculaires à l'effort, suivi physiologique de l'entraînement.
 

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