En France, les chutes constituent une problématique de santé publique, en particulier auprès des personnes âgées. Elles sont en effet très fréquentes – elles touchent une personne sur trois après 65 ans, et une sur deux après 80 ans – et souvent graves, avec des complications traumatiques (fracture osseuse) ou psychologiques, entraînant une perte de confiance et d’indépendance.
De plus, la première chute est souvent un tournant dans la vie de la personne âgée : le risque de rechuter par la suite est multiplié par 17 ! Or, si l’on parle couramment de « chute accidentelle », on se rend compte qu’en réalité cette première chute aurait souvent pu être évitée, grâce à des actions simples de prévention.
Voici, en 10 points clés, les principales actions qui permettent d’évaluer les risques, de les prévenir et d’intervenir efficacement contre les chutes.

Conférence du Dr. Cédric Annweiler

Docteur Cédric Annweiler, Chef du Service de Gériatrie du CHU d’Angers

Évaluer les facteurs de risques liés à la chute

1- Les facteurs précipitants : ce qui provoque la première chute, à l’image de la « goutte qui fait déborder le vase ». Chez les personnes âgées, le facteur précipitant de chute le plus fréquent est l’hypotension orthostatique : cette baisse ponctuelle de la tension artérielle lors du passage de la position allongée ou assise à la station debout peut entraîner un malaise lorsque l’on se lève trop brutalement.
2- Les facteurs prédisposants : ce qui constitue le « terrain à risque » propre à la personne. Ce terrain s’est en général installé progressivement sans que la personne n’en ait conscience, jusqu’au jour de la chute. Les principaux sont facteurs sont : le fait d’avoir déjà chuté, le grand âge, la perte de force musculaire, la dénutrition, les troubles cognitifs, les troubles chroniques de la marche et de la posture.

Une spécificité du CHU d'Angers

Le tapis de marche electronique du CHU d'Angers

Le CHU d’Angers est le premier établissement hospitalier au monde à avoir utilisé, il y a 10 ans, une technique d’analyse spatio-temporelle de la marche, à l’aide d’un tapis de marche doté de multiples capteurs électroniques, pour mettre en évidence et suivre certains troubles cognitifs. Aujourd’hui, tous les patients qui viennent au Centre Mémoire du CHU d’Angers bénéficient systématiquement de ce test, ce qui ne se fait nulle part ailleurs.

3- Les facteurs de gravité : ce qui va avoir un impact sur les conséquences de la chute. Cela peut être lié aux complications directes de la chute (fractures, peur de chuter, désadaptation posturo-motrice, etc.) ou au terrain médical de la personne (ostéoporose, traitement médicamenteux, etc.). 

Prévenir et intervenir

4-    Importance de réaliser une intervention sur différents facteurs : une fois que l’on a réalisé une évaluation personnalisée des risques, l’intervention programmée doit cibler les différents, et parfois nombreux, facteurs mis en lumière. L’intervention ne doit donc pas se focaliser sur un seul aspect mais doit être multifactorielle.

5-    L’activité physique est très efficace pour diminuer le risque de chute car elle a des effets positifs sur la tonicité musculaire et sur la plasticité neuronale du cerveau. Il ne s’agit pas forcément de sport, mais d’une activité physique régulière et facile à mettre en œuvre comme jardiner, faire du vélo ou simplement marcher. Les exercices d’équilibre et de « double tâche » (parler en marchant par exemple) sont particulièrement intéressants, de même que les activités de groupe, plus motivantes.

6-    Les apports en vitamine D : c’est l’intervention la plus simple et efficace pour éviter les chutes. Pendant très longtemps, les médecins et scientifiques ont cru que le rôle de la vitamine D se limitait à aider les os à fixer le calcium, réduisant ainsi les risques de fractures. Or depuis 10 ans, les études ont montré que la vitamine D n’avait aucun impact sur la densité minérale osseuse. Par contre, elle réduit effectivement le risque de chute, à travers trois effets combinés : elle améliore la tonicité musculaire, elle combat l’hypotension orthostatique et elle renforce les capacités attentionnelles et les performances du cerveau.

Dans son édition du lundi 12 juin, le Courrier de l'ouest a publié l'interview du Dr Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie. Dans cet article sur la chute chez les personnes âgées, une erreur concernant la prise de vitamine D s'est glissée. Le CHU d'Angers tient à rappeler la bonne information.

Une spécificité du CHU d'Angers

Le CHU d’Angers est référent au niveau international sur l’étude de l’impact des apports en vitamine D sur le cerveau.
7-    Les mesures éducatives : on peut réduire très efficacement les risques en modifiant certaines habitudes de vie et en aménageant son environnement. Éviter les tapis glissants sur le parquet, installer un bon éclairage, choisir des chaussures adaptées, apprendre les gestes et postures qui permettent d’éviter l’hypotension orthostatique... Cela fonctionne très bien, à condition de bénéficier d’un accompagnement réellement personnalisé.

Connaître l'impact des médicaments

8-    Les médicaments anti-fractures : s’ils n’ont pas d’impact direct sur le risque de chute, les traitements anti-ostéoporotiques ont réalisé de réels progrès ces dernières années, et leurs effets sont avérés pour limiter la survenue et la gravité des fractures.

9-    Les médicament anticoagulants : seulement 40% des personnes sujettes aux troubles du rythme cardiaque (fibrillation atriale), l’une des premières causes d’AVC ischémique (vaisseau ou artère bouchée), sont sous traitement anticoagulant. Pourquoi ? Parce que de nombreux médecins pensent que ces médicaments aggravent particulièrement le risque d’hémorragie cérébrale lors d'une chute. Or les dernières études ont montré que ce risque n’est pas majoré par rapport à celui rencontré chez les personnes sans risque de chute. Il est donc essentiel de combattre cette idée reçue car les bénéfices de l’anticoagulation pour éviter les AVC sont supérieurs aux risques d'hémorragie cérébrale dans cette population.

S'appuyer sur les nouvelles technologies

10-    Les nouvelles technologies et les objets connectés : de plus en plus nombreux, ils permettent d’agir avant la chute, pour évaluer les risques (tapis de marche avec capteurs, plateformes de posturographie comme sur la photo ci-contre …) ou intervenir en prévention (canne à stabilité renforcée, gobelet « intelligent », pilulier électronique à empreinte digitale, technologies d’exosquelette en plein développement en Asie…). Ils permettent également d'agir après la chute, pour repérer la personne qui a chuté (télévigilance, tapis connecté avec capteurs ou même sol intelligent intégré à la construction du bâtiment), ou encore de réduire la gravité de la chute (sol à absorption d’onde de choc).
Ce champ aux possibilités infinies commence tout juste à être exploré… notamment à Angers, cité des objets connectés !

Le service de gériatrie du CHU d'Angers

Le service de gériatrie du CHU d’Angers assure les soins médico-sociaux, c'est-à-dire le diagnostic, le traitement et le suivi, des personnes âgées de 75 ans et plus. Il est composé de cinq unités complémentaires : hospitalisation conventionnelle de court séjour gériatrique, hôpital de jour gériatrique mémoire, équipe mobile de gériatrie, consultation mémoire (Centre Mémoire Ressources Recherche, CMRR) et consultation chutes, et Centre de Recherche sur l'Autonomie et la Longévité (CeRAL).