Le niveau de confiance des Français vis-à-vis des médicaments et vaccins reste globalement élevé, mais s’érode d’année en année. Les entreprises du médicament suscitent de plus en plus de méfiance, moins d’un Français sur deux les jugeant crédibles sur le plan de l’information santé. Cela prouve l’importance qu’accordent les patients aux risques potentiels des traitements qui leur sont prescrits.

Dans ce contexte, il est utile de revenir sur la notion fondamentale de rapport bénéfice/risque. Comment scientifiques et instances décisionnaires mesurent-ils les bénéfices que l’on peut tirer d’un traitement et les risques qu’il peut représenter ? Comment les médecins s’appuient-ils sur l’évaluation de ce rapport bénéfice/risque pour apporter aux patients des informations personnalisées et prendre des décisions thérapeutiques adaptées ?

Conférence du Pr Erick Legrand

Conférence animée par le Pr Erick Legrand, Chef du service de Rhumatologie du CHU d’Angers et Président de la CME du CHU d’Angers

1 – Qu’est-ce qu’un médicament ?

Un médicament est une substance possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales.

Le médicament n’est qu’une des composantes du traitement d’une maladie : celui-ci peut comporter la chirurgie, la radiothérapie, la psychothérapie, la rééducation et la réadaptation, la suppression de toxiques (tabac, alcool), l’activité physique, la relaxation, la nutrition, le changement de profession ou de sport par exemple…

Le rôle du médicament est variable :

  • Il peut soigner une maladie déclarée. La pénicilline guérit ainsi certaines infections pulmonaires.
  • Il peut prévenir la rechute d’une maladie : l’aspirine à faible dose réduit le risque de récidive de l’infarctus du myocarde.
  • Il peut prévenir la survenue d’une maladie chez quelqu’un qui n’est pas encore malade : la vitamine D réduit le risque de fragilité osseuse après 65 ans.a

2 - Attention aux idées reçues

Plusieurs a priori ont la vie dure :

Les médicaments sont des produits chimiques

En réalité, la composition des médicaments est très variable, ils peuvent contenir des substances :

  • naturellement présentes dans le corps humain : hormones, vitamines, calcium, sodium, albumine… ;
  • d’origine naturelle (plantes) mais modifiées en laboratoire, comme les taxanes, issues de l’if et utilisées pour soigner le cancer ;
  • issues de la chimie : aspirine, ibuprofène, statines ;
  • ou biologiques, comme les anticorps utilisés dans les maladies inflammatoires ;

Les médicaments d’origine naturelle sont moins dangereux
C’est faux ! En voici quelques exemples :

  • La testostérone, hormone mâle physiologique, peut favoriser la survenue de certains cancers, de l’acné, de l’agressivité…
  • Le sodium (sel) favorise l’hypertension, l’insuffisance cardiaque, les calculs rénaux…
  • De nombreuses plantes utilisées en médecine traditionnelle sont toxiques et parfois mortelles, provoquant des hépatites toxiques ou une insuffisance rénale aigüe

Le mode d’administration détermine l’efficacité
C’est faux ! Le mode d’administration est surtout lié à la composition du médicament, à ses propriétés et à la situation du patient.

  • Un médicament en crème peut être plus efficace qu’une injection intraveineuse.
  • Un médicament en comprimés peut être plus dangereux qu’un médicament injectable.
  • Un antidouleur en patch sur la peau peut être plus dangereux qu’un comprimé de morphine pris sous la langue.

3 - L’effet placebo – l’effet nocebo

Un placebo est un traitement inactif mais qui ressemble à un vrai traitement.
Il peut s’agir d’un faux médicament, par exemple une gélule ne contenant que du sucre et de la farine.
Il peut aussi s’agir d’une fausse chirurgie, démarche expérimentée avec succès aux États-Unis dans le cadre d’études scientifiques, notamment pour des douleurs articulaires.

L’effet placebo fonctionne réellement : si le patient reçoit un placebo en pensant recevoir un traitement efficace, il va souvent un peu mieux.
Cela s’explique par les relations très fortes entre le psychisme et les autres fonctions du corps humain. Ainsi, la fatigue ou l’inquiétude augmentent la douleur ; le stress ou l’angoisse augmentent les nausées et les vertiges ; alors que la relaxation diminue la douleur et la fatigue.

L’effet placebo concerne surtout les symptômes subjectifs : douleur, nausées, vertiges, fatigue, appétit, crampes…
Cela peut s’avérer utile : le patient se sent objectivement mieux, il est rassuré, moins inquiet, plus détendu. Ce bien-être lui permet de reprendre confiance et peut contribuer à l’amélioration de sa santé ou à la rapidité de sa guérison.

L’effet nocebo agit de façon inverse : le patient qui reçoit un placebo (ou un vrai médicament), en pensant recevoir un traitement inutile ou dangereux, va souvent présenter de nombreux effets secondaires subjectifs : fatigue, nausées, douleurs musculaires…
Cela pose le paradoxe de l’information : plus une notice donne d’informations sur les effets indésirables, plus elle va les induire dans l’esprit du patient. Pour autant, cette information est nécessaire.

4 - Ce que les Français pensent des médicaments

Selon un sondage Ipsos réalisé en 2014 auprès de 1 000 personnes, 75 % des Français font confiance aux médicaments, contre 82 % en 2013, 84 % en 2012 et 87 % en 2011. 

Cette confiance diminue donc d’année en année, alors même que les exigences scientifiques pour mettre un médicament sur le marché ne cessent d’augmenter.

71 % des Français sont inquiets en raison des effets secondaires des médicaments et seul un sur deux (45 %) se considère bien informé sur ces effets secondaires.

Un autre sondage effectué en 2016 auprès de 1 000 personnes, montre que :

  • Les médicaments sur ordonnance inspirent davantage confiance, pour 88 % des sondés.
  • L’homéopathie bénéficie d’une confiance élevée (73 %) alors même que les preuves scientifiques de son efficacité sont inexistantes malgré de nombreuses études scientifiques.
  • Pour les vaccins, la confiance est relativement faible (68 %) alors même que les preuves scientifiques sont très fortes et que les vaccins ont contribué à la quasi éradication de nombreuses maladies dans le monde.

5 - Ce que les médecins pensent des médicaments

Pour les professionnels de santé, les médicaments sont dangereux car ils interviennent sur le fonctionnement biologique du corps humain.
C’est même pour cette raison qu’ils sont efficaces.
Un médicament sans danger est aussi un médicament sans efficacité.

Les médicaments permettent de guérir des maladies qui étaient encore mortelles il y a quelques décennies. Mais en contrepartie de cette action, ils peuvent entraîner des effets secondaires plus ou moins réversibles et dangereux.

Les médicaments peuvent s’avérer plus dangereux dans certaines situations :

  • chez les femmes enceintes, les bébés et les enfants, les sujets âgés ou encore les patients atteints d’insuffisance rénale ou hépatique ;
  • Chez les patients qui prennent plusieurs médicaments en même temps, car des interactions existent entre eux ;
  • Chez les patients qui augmentent les doses par eux-mêmes ;
  • Chez les patients qui diminuent les doses par eux-mêmes ;
  • Chez les patients qui mélangent les médicaments prescrits par le médecin et les médicaments en vente libre.


En France, les médicaments mal utilisés, mal prescrits, mal suivis, mal surveillés… sont responsables chaque année d’environ 5 000 à 10 000 décès et 100 000 à 130 000 hospitalisations.

Cela peut faire peur mais les maladies sont bien plus dangereuses encore et les effets bénéfiques des médicaments sont statistiquement prouvés.

6 - Le rapport bénéfice/risque des médicaments

Les bénéfices dépendent du médicament mais aussi de la maladie, de sa gravité, de son pronostic…

  • Pour une maladie mortelle, il faut assurer la survie.
  • Pour un cancer opérable, il faut empêcher la récidive.
  • Pour une infection, il faut obtenir une guérison.
  • Pour une maladie chronique, il faut obtenir une rémission.
  • Pour un handicap, il faut le rendre acceptable.
  • Pour une maladie douloureuse, il faut contrôler la douleur pendant le temps utile pour que survienne la guérison.

Les effets indésirables sont eux aussi variables : ils peuvent être réversibles ou non, prévisibles ou non, fréquents ou exceptionnels, bénins ou graves, objectifs ou subjectifs…

Tout repose donc sur le rapport bénéfice/risque du médicament ou de la chirurgie. Pour déterminer ce ratio, il faut réaliser des études scientifiques avec toute la rigueur nécessaire, et analyser correctement leurs résultats.
 

7 – En conclusion : faut-il avoir peur des médicaments ?

Oui dans la mesure où ce sont des principes actifs puissants, mais cette crainte doit être raisonnée car aujourd’hui, grâce aux études scientifiques imposées avant toute mise sur le marché, on peut dire qu’il n’y a pas sur le marché officiel de médicament dont le rapport bénéfice/risque soit défavorable.

Du côté du patient, trois critères permettent de minimiser les risques :

  • Prendre le temps de discuter avec son médecin afin d’analyser correctement la situation pathologique et permettre au médecin d’effectuer la prescription la plus adaptée
  • Utiliser exclusivement des médicaments certifiés, fournis par un circuit fiable (pharmacie)
  • Respecter scrupuleusement la posologie et les prescriptions du médecin.

Enfin, en cas de doute, plutôt que de se noyer dans le flot d’informations véhiculées par les médias et l’Internet, la meilleure solution est de rencontrer des associations de patients, qui possèdent une bonne connaissance de la maladie et une expérience vécue des traitements.

Surdosage médicamenteux : le Centre antipoison à votre écoute

40 % des appels reçus par le centre antipoison du CHU d’Angers concernent une exposition à un médicament, principalement après un surdosage médicamenteux, volontaire ou accidentel.

Les toxicologues angevins du CAP sont ainsi sollicités après une exposition accidentelle aux médicaments - il s’agit très souvent de l’ingestion de comprimé par des enfants - ou à la suite d’une erreur thérapeutique (de dose ou de médicament délivré à un patient, souvent à un enfant ou une personne âgée et dépendante).

 

En cas de besoin, contactez le Centre antipoison du CHU d’Angers au 02 41 48 21 21 (24h/24)