Les Français font partie des plus gros consommateurs de cannabis parmi les pays occidentaux, avec plusieurs millions de consommateurs occasionnels et 500 à 600 000 consommateurs quotidiens. Il s’agit donc d’un réel problème de santé publique. Mais ces chiffres cachent différentes réalités, car les risques varient beaucoup en fonction de la fréquence, de la forme et du mode de consommation.

Conférence du Pr Thierry Urban et du Dr Alexandra Gentil

Conférence co-animée par le Pr Thierry Urban, chef de service du Département de pneumologie du CHU d’Angers, et le Dr Alexandra Gentil, tabacologue et addictologue à l’Unité de coordination de tabacologie du CHU d'Angers.

Un enjeu de santé publique

Selon l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies, on estime qu’en France :

  • 40 % des adolescents de 17 ans ont déjà expérimenté le cannabis, c’est-à-dire au moins essayé une fois.
  • Un peu plus de 7 % des jeunes de 17 ans en consomment régulièrement (au moins 10 fois par mois) à quotidiennement.
Ces jeunes représentent une préoccupation majeure, car ils s’exposent à l’accoutumance et à des répercussions psycho-sociales importantes.

Bien que l’usage du cannabis y soit interdit et puni par la loi, la France dépasse les autres pays européens et se classe parmi les plus gros consommateurs dans les pays occidentaux.
De plus, cette consommation reste stable depuis 20 ans, alors que celles de tabac et d’alcool ont diminué. Cette situation est donc préoccupante.

Les modes de consommation du cannabis

Ils varient selon les pays et selon les effets recherchés :

  • L’herbe, que l’on appelle « marijuana », est la feuille de cannabis utilisée telle quelle, hachée et roulée dans du papier à cigarette. C’est la forme de consommation la plus fréquente en Californie, en Australie, en Nouvelle-Zélande. La concentration en THC, substance psychoactive du cannabis, est relativement faible, même elle tend à augmenter suite aux modifications génétiques opérées sur les plantes par les trafiquants.
  • La résine de cannabis, appelée « barrette », est en réalité un mélange de résine de cannabis concentrée et d’autres produits, dont on connaît rarement l’origine et la nature, ajoutés pour augmenter le volume de matière. Beaucoup plus concentrée en THC que l’herbe (jusqu’à 30 voire 40 %), la résine est potentiellement plus addictogène et entraîne des effets psychotropes plus marqués. De plus, elle se fume mélangée à du tabac, ce qui cumule donc les effets toxiques et addictogènes des deux produits. Cette forme de consommation est la plus courante en France.
  • Les huiles : ces formes liquides, généralement utilisées en ajout dans une préparation alimentaire (space cake), sont les plus concentrée en THC et sont d’autant plus dangereuses que l’on peut en consommer à son insu, dans un gâteau par exemple.
  • Le bang : cette sorte de pipe parfois très artisanale fonctionne sur le principe de la chicha : la fumée est inhalée à travers de l’eau, ce qui provoque une forte concentration et donc un effet puissant à chaque bouffée. Utilisé pour se shooter plus rapidement, le bang est bien plus toxique.
  • Dans certains pays, notamment aux États-Unis, apparaissent des vapoteurs, appareils dans lesquels est produite une vapeur à partir de cannabis, inhalée comme de la fumée de cigarette. Cette forme entraîne les mêmes effets psychotropes, voire plus, mais moins de risques sanitaires pour les voies respiratoires.

Quels sont les risques liés à l’usage du cannabis ?

Le cannabis possède des effets psychotropes avérés : désinhibant, euphorisant, il procure en quelques minutes un état de détente variable. Ces effets sont recherchés par les consommateurs dans le but par exemple d’oublier le stress en fin de journée, ou de mieux « se lâcher » en soirée. Cela explique que la consommation régulière puisse concerner aussi des adultes parfaitement bien insérés socialement et professionnellement.

Cependant, ces effets s’accompagnent de risques bien réels, qui varient selon le mode et la fréquence de l’usage, et les caractéristiques individuelles

Les risques pour le consommateur occasionnel :

Le risque principal pour le consommateur occasionnel est lié à l’accident. La consommation s’effectue souvent en soirée et s’accompagne parfois d’alcool. Un mélange hautement accidentogène car il cumule désinhibition et allongement du temps de réflexe. Cette perte de contrôle de soi-même entraîne des conduites à risque exacerbées. Or, en cas d’accident corporel, si l’enquête de police révèle que le conducteur a consommé du cannabis, il sera responsable à 100 % quelles que soient les circonstances.

D’autre part, le consommateur occasionnel s’expose à devenir peu à peu dépendant au tabac ou au cannabis. Enfin, certains cas d’intolérance peuvent provoquer des réactions psychotiques graves.

Les risques pour le consommateur régulier

Une consommation en plus grande quantité ou plus régulière peut entraîner une perte de performance intellectuelle, notamment des difficultés de concentration et de mémorisation. Ces problèmes d’apprentissage peuvent provoquer un décrochage scolaire, avec un risque important de voir s’installer le « syndrome de démotivation » : devant cette situation d’échec, l’adolescent peut augmenter encore sa consommation et peut finir par sortir du système et se marginaliser.

Une consommation soutenue peut également provoquer des manifestations psychiatriques. Une étude finlandaise récente a montré que chez les adultes ayant été de gros consommateurs réguliers à l’adolescence, on rencontre trois fois plus de psychoses et de schizophrénie.

Enfin, une consommation régulière et durable expose aux mêmes risques sanitaires que ceux liés au tabagisme : cancer du poumon et des bronches, maladies cardiovasculaires, bronchites chroniques… la fumée d'un joint de cannabis est trois à quatre fois plus toxique que celle d'une cigarette. Le risque de cancer est donc probablement accru, et l’on commence à observer des cas de cancer du poumon chez des patients de 35-40 ans consommateurs réguliers du mélange tabac + cannabis.

Les risques liés aux nouvelles formes de consommation :

Le « vapotage » pratiqué de façon croissante aux États-Unis et en Australie peut sembler moins risqué sur le plan sanitaire car il n’y a ni fumée ni tabac. Mais les risques psychiques sont tout aussi élevés voire davantage, car le THC est inhalé en quantité ou en concentration plus importante. De plus, cette forme de consommation reste tout aussi illégale que les autres en France.

Qu’en est-il du cannabis thérapeutique ?

Souvent citée par les défenseurs du cannabis, l’utilisation thérapeutique est totalement différente de l’usage dit « récréatif ».
Le cannabis n’est pas prescrit sous forme de fumée, mais sous forme de médicaments élaborés à partir des molécules intéressantes médicalement comme le cannabidiol, qui a des propriétés antalgiques et anti-inflammatoires. Ces médicaments, qui ont suivi un processus réglementaire de fabrication et de mise sur le marché, ne sont intéressants que dans certaines indications rares et sous un contrôle médical strict.

Quelle prise en charge pour les consommateurs de cannabis ?

Contrairement au tabac, il n’existe malheureusement à ce jour aucun substitut du cannabis. La seule solution est donc de se sevrer, en se faisant accompagner.
Les jeunes de 12 à 25 ans peuvent s’adresser aux structures Consultation Jeunes Consommateurs, présentes dans tous les départements. Ils y bénéficient de consultations gratuites, anonymes et confidentielles et peuvent recevoir les conseils de professionnels de santé.

Que peut faire l’État ?

La France présente une situation paradoxale, en étant à la fois le pays le plus répressif d’Europe et le plus gros consommateur de cannabis. De plus, sur les 30 dernières années, la législation encadrant le tabac et l’alcool a permis de réduire leur consommation respectivement de 50 % et de 25 %, alors que la consommation de cannabis a augmenté, notamment auprès des jeunes.
Ce constat pose la question de l’efficacité de l’interdiction légale, et vient rappeler que la prévention est essentielle pour lutter conte la consommation de cannabis.

L’Unité de coordination de tabacologie du CHU d’Angers

L’Unité de coordination de tabacologie du CHU d’Angers, située au sein du Département de pneumologie, est composée de professionnels de santé formés à la tabacologie : médecins, dentiste, sage-femme, infirmière, diététicienne, psychologue.
L’Unité de coordination de tabacologie accueille les personnes désirant arrêter de fumer ou réduire leur consommation de tabac.
À partir d’un bilan personnalisé, un accompagnement adapté aux besoins est proposé, comportant selon les cas des traitements médicamenteux, des thérapies comportementales, un suivi psychologique et diététique, un soutien téléphonique…

Contact : Secrétariat de l’Unité de Coordination de Tabacologie du CHU d’Angers : ouvert du lundi au vendredi de 9h à 17h.

Infos et prises de rendez-vous
au 02 41 35 58 45 ou par courriel : unitetabacologie@chu-angers.fr.

Un soutien téléphonique existe tous les jours de la semaine.