Avec 40 000 nouveaux cas et 17 000 décès par an en France, le cancer de l’intestin – ou cancer colorectal – pose un problème majeur de santé publique et fait partie des cancers à l’origine du plus grand nombre de décès. Pourtant, il est aussi l’un des plus faciles à diagnostiquer et à prévenir. Les facteurs de risque sont en effet clairement identifiés, et les méthodes de dépistage sont fiables et simples à mettre en œuvre. Un dépistage précoce réalisé à partir de 50 ans et répété tous les 2 ans jusqu’à 75 ans permet de réduire de façon notable le risque de développer un cancer colorectal.

Conférence du Pr. Caroli-Bosc

Conférence animée le 13 septembre 2016 par le Pr. François-Xavier Caroli-Bosc chef du service d’hépato gastro entérologie et oncologie digestive du CHU d’Angers.
Rendez-vous organisé dans le cadre des Mardis de la santé, en partenariat avec la Ville d'Angers et le Courrier de l'Ouest.

Des facteurs de risque bien connus

Le cancer colorectal présente des facteurs de risque précis. Certains comme les maladies héréditaires, les antécédents familiaux ou les maladies inflammatoires entraînent un dépistage systématique par coloscopie. Mais la principale cause de cancer colorectal est la formation, avec l’âge, de polypes (ou adénomes) sur la paroi interne de l’intestin. Ces lésions, bégnines à l’origine, multiplient le risque de développer un cancer au bout de quelques années, si rien n’est fait. Il est donc indispensable de les détecter et de les éliminer le plus tôt possible. Enfin, certains facteurs aggravants sont liés au mode de vie et à l’alimentation : manque d’activité physique, obésité, abus de protéines (viandes rouges) ou de charcuteries, tabac, alcool… Autant d’indices qui permettent d’identifier les personnes à risque élevé, et qui devraient les inciter à pratiquer un dépistage régulier.

Pourquoi le dépistage est efficace

Il existe un temps de latence entre l’apparition des polypes et le développement du cancer lui-même (en moyenne 9 ans). Ainsi, il est possible de prévenir l'apparition d'un cancer. Et même si le cancer a commencé à se développer, les chances de guérison sont beaucoup plus élevées si l’on agit tôt. Le cancer colorectal est guéri dans 90% des cas s’il est diagnostiqué au stade I, contre seulement 5% au stade IV. Enfin, les adénomes de l’intestin apparaissent avec l’âge, d’où l’intérêt d’effectuer dès 50 ans un dépistage tous les deux ans.

Un test facile et fiable

Basé sur la recherche de sang dans les selles, le test de dépistage du cancer colorectal est très facile à réaliser.

Lancé dans les années 1980 (1988 en France), le premier test baptisé Hemoccult II permettait de détecter près de 50% des cancers. Les études ont prouvé qu’il avait contribué à réduire la mortalité d’environ 15% à dix ans, sur la population testée. Cependant, ce test basé sur la colorimétrie manquait de précision pour détecter les plus petits adénomes.

Depuis juin 2015, un nouveau test immunologique permet d’atteindre des résultats plus précis, tout en simplifiant encore la démarche puisqu’un seul prélèvement suffit. Grâce à sa meilleure sensibilité, ce nouveau test détecte deux fois plus de cancers et quatre fois plus de polypes. Pour le Maine-et-Loire par exemple, si 50% des habitants âgés de 50 à 74 ans faisaient le test tous les deux ans, cela représenterait 350 vies sauvées chaque année !
 

Le dépistage, un droit mais aussi un devoir

Lorsque l’on met en parallèle la simplicité et l’efficacité du dépistage, devant le coût individuel et collectif d’un traitement si le cancer est déclaré, les avantages sont évidents. Malgré leurs progrès, les traitements ne permettent aujourd’hui de vaincre que 60% de la totalité des cas. Outre leurs conséquences lourdes (hospitalisation, contraintes personnelles et familiales, effets secondaires, 5 années de surveillance et de stress…), ces traitements ont également un impact économique sur notre système de santé.

Cela pose la question de la responsabilité individuelle : dans quelle mesure sommes-nous responsables, à titre individuel, de ce que nos choix coûtent potentiellement à la collectivité ? Et comment hésiter entre un dépistage simple et peu coûteux, permettant d’éviter la maladie, et un traitement lourd et à l’issue incertaine ?


Comment convaincre ?

Aujourd’hui, plus de 50% de la population concernée ne participe pas au dépistage. La plupart du temps par négligence, par peur, par manque de temps… Il y a donc un réel travail de communication et de pédagogie à mener auprès des populations, non seulement pour inciter au dépistage régulier dès 50 ans, mais aussi pour favoriser la prévention à travers l’activité sportive et l’équilibre alimentaire. À ce titre, les médecins généralistes et médecins du travail peuvent jouer un rôle actif.

Le CHU d'Angers à la pointe de la recherche

Le CHU d’Angers s’implique fortement dans la recherche à travers son département de cancérologie et son service d’hépato gastro entérologie et oncologie digestive, très spécialisé. La recherche clinique est développée au sein de ce  service, en lien avec l’UTTIOM (unité transversale de thérapeutiques innovantes en oncologie médicale), qui pilote des essais thérapeutiques avec une partie des malades.

Preuve de son soutien en faveur de la prévention, le CHU d’Angers a mené en collaboration avec Cap Santé 49, une vaste étude épidémiologique baptisée IDYLIC. Cette étude propose à des hommes et femmes de 50 à 70 ans de renseigner un questionnaire simple sur leurs habitudes alimentaires et leur mode de vie, afin d’évaluer leur impact sur le risque de cancer colorectal et de proposer un score de risque individuel. Ce travail aidera, on peut l'espérer, les médecins généralistes à convaincre ceux qui sont réticents à mieux participer au dépistage de masse.

Enfin, le Professeur Caroli Bosc, chef du service d’hépato gastro entérologie et oncologie digestive du CHU d’Angers, est l’actuel président de Cap Santé 49, association dédiée au dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus et colorectal.