Les douleurs articulaires, désignées dans le langage courant sous l’appellation générique de « rhumatismes », englobent plusieurs maladies douloureuses, aigües ou chroniques. Elles sont dues à des phénomènes soit inflammatoires soit dégénératifs des articulations. Au-delà des traitements médicamenteux, existe-t-il des « régimes » – au sens alimentaire mais aussi en termes de mode de vie – qui permettent de les retarder ou d’en limiter les effets ?

Conférence du Pr Béatrice Bouvard

Conférence du 07 février 2017, animée par le Professeur Béatrice Bouvard, du Service de Rhumatologie du CHU d'Angers. Rendez-vous organisé dans le cadre des Mardis de la Santé, en partenariat avec la Ville d'Angers et le Courrier de l'Ouest.

Arthrose ou arthrite ?

Commençons par des définitions. Il existe deux principaux types de rhumatismes :

  • l’arthrose désigne les rhumatismes liés à une dégénérescence de l’articulation,
  • l’arthrite concerne les rhumatismes inflammatoires, parmi lesquels on distingue deux sous-groupes : les inflammations microcristallines (ex : goutte) et les inflammations chroniques ou auto-immunes (ex : polyarthrite rhumatoïde).

L’arthrose

Dans l’articulation, le cartilage joue un rôle « d’amortisseur », il absorbe la charge et les chocs et évite ainsi que les pièces osseuses ne souffrent.
 

Si le cartilage se dégrade et s’amincit, les charges sont directement répercutées sur l’os : c’est ce qui génère la douleur. Le cartilage peut également s’effriter, ce qui provoque des poussées inflammatoires et des gonflements de l’articulation. 


 

Les effets

L’arthrose se manifeste par une douleur mécanique liée à l’effort : elle survient lorsque l’on se sert de l’articulation, et s’estompe au repos. Elle ne provoque généralement pas de réveil nocturne et ne se fait pas particulièrement sentir le matin, à froid. Son évolution est très variable selon les personnes. Elle n’entraîne pas d’altération de l’état général.

Les causes

Souvent liée au vieillissement, l’arthrose peut être accélérée par des traumatismes articulaires répétés (gestes professionnels) ou accidentels (fracture). Il peut y avoir une composante génétique comme pour l’arthrose digitale. Elle est également parfois causée par un défaut d’alignement des os, qui modifie les charges sur l’articulation.

La cause d’arthrose devenant de plus en plus fréquente est celle liée au surpoids. Non seulement la surcharge pondérale accentue la contrainte mécanique sur l’articulation, mais de plus les cellules graisseuses produisent des molécules appelées adipokines, comme la leptine, qui participent probablement à l’atteinte articulaire.

Plus l’IMC (indice de masse corporelle) est élevé, plus le risque d’arthrose est grand, surtout pour le genou.
En France, selon l’enquête ObÉpi de 2012, 32% des plus de 18 ans sont en surpoids (IMC entre 25 et 30 kg/m2), et 15% en situation d’obésité (IMC>30 kg/m2). Cela représente donc la moitié de la population adulte ! Malgré tout la France n’est pas si mal placée car elle se situe derrière de nombreux pays comme les USA, l’Australie ou la Grande Bretagne… Mais il est frappant de constater que l’obésité augmente constamment depuis 20 ans partout dans le monde.

L'Indice de Masse Corporelle (IMC)

L’Indice de Masse Corporelle  (IMC) se calcule de la façon suivante : poids (kg) / taille (m)2
Il s’interprète selon des critères définis par l'Organisation Mondiale de la Santé :

  • moins de 16,5 = dénutrition
  • de 16,5 à 18,5 = maigreur
  • de 18,5 à 25 = corpulence normale
  • de 25 à 30 = surpoids
  • supérieur à 30 = obésité
Les solutions

Il n’existe pas de traitement contre l’arthrose. Le remplacement de l’articulation par chirurgie est possible, mais cela reste une intervention lourde. Il faut donc privilégier la prévention, pour limiter son apparition et son développement. Pour cela, deux consignes :

  • Pratiquer une activité physique régulière. L’OMS préconise au moins 30 minutes par jour de marche active, dynamique.
  • Éviter la prise de poids, grâce à un régime alimentaire sain, varié et équilibré.

En cas d’arthrose aggravée par un surpoids, les préconisations seront comparables :

  • Perdre du poids, même peu. Les études ont prouvé qu’une réduction de 5 à 10% de la masse corporelle suffit pour soulager l’articulation, atténuer les douleurs et améliorer la fonction de l’articulation.
  • Pratiquer une activité physique régulière : marche dynamique ou natation. Cette dernière est idéale car elle améliore le tonus musculaire sans générer d’appui sur l’articulation.

Contrairement aux idées reçues, il n’existe pas de régime – ni de complément – alimentaire susceptible de limiter ou combattre efficacement l’arthrose. Une alimentation équilibrée et en juste quantité est idéale.

L’arthrite microcristalline

Elle est due à des petits cristaux qui vont se loger dans l’articulation et provoquer une réaction inflammatoire. La membrane synoviale, qui entoure l’articulation, s’épaissit et s’enflamme. Cela entraîne des douleurs et un gonflement de l’articulation par surproduction de liquide synovial. La forme la plus connue est la goutte.




Les effets
La goutte se caractérise par une douleur très vive et permanente de l’articulation. Elle n’est pas liée à l’utilisation de l’articulation et ne disparait pas avec le repos. Cette douleur peut empêcher le sommeil. Elle peut aussi provoquer une augmentation de la température et un état de fatigue général. La goutte s’accompagne d’une réduction notable de la mobilité articulaire, et donc d’une impotence fonctionnelle importante. Les accès répétés de goutte peuvent détruire l’articulation.
Les causes
Hormis de rares causes génétiques, la goutte est due avant tout à l’alimentation et au mode de vie. Elle est provoquée par un excès d’acide urique. Notre organisme contient naturellement des purines, molécules azotées issues de l’alimentation, qui sont normalement dégradées en acide urique et éliminées par le rein. En cas d’excès, l’acide urique ne s’élimine pas suffisamment et forme des cristaux d’urate de sodium, qui vont se loger dans l’articulation.
La goutte est de plus en plus fréquente dans le monde. Le cas typique est un homme dans la cinquantaine, en surpoids, « bon vivant » et peu sportif.
Les solutions
La seule parade consiste à faire baisser le taux d’acide urique, par une modification du régime alimentaire :
  • éviter les aliments riches en purine comme la bière (même sans alcool), les sodas sucrés, les viandes rouges et abats, les crustacés…
  • privilégier les aliments qui font baisser le taux d’acide urique : les laitages, la vitamine C et… la cerise.
  • bien s’hydrater (avec de l’eau)
  • contrôler son poids
  • pratiquer un minimum d’exercice physique au quotidien (30 mn de marche dynamique)
Le respect de ces règles hygiéno-diététiques permet de diminuer le taux d’acide urique et parfois évite la prise d’un traitement de fond.

La polyarthrite rhumatoïde

Il s’agit d’une maladie auto-immune chronique qui provoque des poussées inflammatoires des articulations responsables de gonflements articulaires souvent bilatéraux et symétriques.
Les effets
La polyarthrite rhumatoïde est due à un dysfonctionnement du système immunitaire. Les articulations enflammées sont douloureuses en permanence, y compris la nuit et au repos. Elles sont enraidies surtout le matin. Cela s’accompagne souvent d’un état de fatigue général.
La polyarthrite rhumatoïde entraîne une réduction importante de la mobilité articulaire. Si on ne la traite pas activement, les articulations se déforment, se dégradent et leur utilisation est douloureuse.
Les causes
La polyarthrite rhumatoïde survient sur un terrain génétique prédisposant. Les facteurs déclenchants sont incomplètement connus. Elle est 3 fois plus fréquente chez la femme.
Le tabac est reconnu comme l’un des facteurs environnementaux néfastes pour la polyarthrite rhumatoïde car il aggrave la maladie, accélère la destruction de l’articulation et diminue la réponse aux traitements.
Les solutions
Maladie chronique, la polyarthrite rhumatoïde ne se guérit pas. Cependant le traitement médical permet de réduire la douleur et limiter l’apparition des crises et donc la destruction des articulations.

Sur le plan comportemental, quelques indications liées au tabac et au régime alimentaire :
  • Pour les fumeurs, la première recommandation est d'arrêter le tabac.
  • L’impact du régime alimentaire sur la polyarthrite rhumatoïde est à ce jour mal défini. Les études menées jusqu'à ce jour sur le sujet sont souvent contradictoires par manque de fiabilité, de rigueur scientifique ou de neutralité. Contrairement aux idées fréquemment véhiculées par les médias, il n’a jamais été prouvé qu’un régime spécifique (par exemple sans gluten ou sans laitage) ait un impact positif sur la polyarthrite. Certaines personnes rapportent une amélioration après exclusion de certains aliments mais ce sont des sensibilités personnelles qui ne peuvent pas être généralisées. La médecine reste toutefois attentive à ces observations car on sait que certains aliments et nutriments peuvent avoir des effets. Ainsi certains aliments ont des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, comme les acides gras polyinsaturés (oméga 3) provenant par exemple des poissons gras. Mais il faut en consommer en grande quantité pour voir apparaître les effets bénéfiques. Il est donc recommandé, là encore, d’adopter un régime alimentaire varié et équilibré.

Le rôle de la flore intestinale

Le microbiote intestinal (l’ensemble des microorganismes et notamment des bactéries de notre intestin) stimule en permanence notre système immunitaire et est en symbiose avec notre organisme. Une altération qualitative et fonctionnelle de la flore intestinale peut être à l’origine de maladies auto-immunes et inflammatoires. Certains aliments peuvent agir comme un probiotique (apporte des micro-organismes régulateurs) ou comme un prébiotique (fait proliférer les éléments régulateurs). Une alimentation diversifiée favorise l’équilibre du microbiote.
Des modèles  expérimentaux chez l’animal tendent à montrer qu’un bon équilibre du microbiote intestinal est bénéfique en diminuant les arthrites. Mais ceci n’est pas prouvé chez l’homme à ce jour.

En conclusion, les bons « régimes » pour éviter ou retarder l’apparition des rhumatismes et limiter leurs effets sont directement liés au mode de vie :

  • adopter un régime alimentaire diversifié, sain et proportionné aux besoins
  • pratiquer une activité physique régulière

Le service de rhumatologie du CHU d’Angers

Le service de rhumatologie du CHU d’Angers prend en charge l’ensemble des pathologies qui touchent le système ostéo-articulaire : maladies articulaires inflammatoires ou dégénératives, maladies abarticulaires (tendons), maladies osseuses, infections ostéo-articulaires.

Les praticiens du service apporte un accompagnement personnalisé avec en plus des traitements de fond adaptés des conseils sur les mesures hygiéno-diététiques.

L’équipe se distingue également par ses travaux de recherche sur l’ostéoporose.