Le diabète est la première des affections de longue durée. Selon les études, elle concerne en France entre 6 et 8 % de la population. De plus, le nombre de cas a atteint dès 2009 les projections initialement prévues pour 2016, mettant en évidence une accélération exponentielle.
Cette maladie complexe pose des enjeux de santé publique spécifiques et importants, aussi bien en termes de connaissances scientifiques et d’évolutions technologiques que pour le patient, particulièrement impliqué dans la prise en charge, ou encore pour les soignants et les nombreux corps de métier impliqués à leurs côtés.

Conférence du Pr Patrice Rodien

Conférence animée par le Pr Patrice Rodien, chef de service du Département d’endocrinologie-diabétologie et nutrition du CHU d’Angers

La maladie : comprendre le(s) diabète(s)

Le diabète est connu depuis l’Antiquité, sous sa forme première d’urines anormalement abondantes et, comme on le montrera plus tard, chargées en sucre. Les descriptions de diabète lié au surpoids et aux excès alimentaires apparaissent beaucoup plus récemment, notamment dans la littérature du 19e siècle.

Mais il a fallu attendre le début des années 1920 pour parvenir à isoler l’insuline et mettre au point les premiers traitements de patients par injection. Jusqu’alors, on considérait que le traitement le mieux adapté était le jeûne, afin de réduire la présence de sucre et de lipides… ce qui, paradoxalement, aggravait l’affaiblissement du patient !

Deux formes principales

Il est théoriquement inexact de parler « du » diabète car la maladie existe sous deux principales formes :

  • le diabète de type 1, lié à une disparition de la production d’insuline pancréatique. Il peut toucher des sujets très jeunes et sans autres facteurs pathologiques. Il s’accompagne d’un risque de décès à court terme si on n’injecte pas d’insuline.
  • et le diabète de type 2, déclenché par d’autres facteurs comme le surpoids ou une alimentation inadaptée qui conduisent à une perte d’efficacité de l’insuline. Il survient en général chez des sujets plus âgés, sédentaires et en surpoids. Il s’accompagne d’une hypertension, et donc de risques essentiellement cardiovasculaires.

Ces deux types de diabète présentent malgré tout plusieurs points de convergence :

  • La définition de la maladie par une valeur anormalement élevée de la glycémie, c’est-à-dire une concentration de sucre dans le sang supérieure à 1,26 g/l à jeun (ou 2 g/l dans l’absolu).
  • Les risques de complications ophtalmologiques, rénales, cardiovasculaires et neurologiques (bien que la hiérarchie des risques diffère selon le type de diabète).
  • Des médicaments souvent identiques, notamment l’insuline.
  • Le recours croissant aux nouvelles technologies (capteurs de glycémie, pompe à insuline) pour aider les patients dans leur vie quotidienne.

Une maladie qui reste complexe et énigmatique

Le monde médical assiste depuis une vingtaine d’années à des phénomènes inexpliqués : hausse de la fréquence du diabète de type 1 chez les enfants, apparition du diabète de type 2 chez des enfants ou adolescents, ou encore cas de diabète néonataux.

Les progrès scientifiques permettent également d’identifier un nombre croissant de diabètes « non classés », qui présentent des ressemblances avec l’un ou l’autre type tout en se comportant de façon différente, comme par exemple les diabètes monogéniques, dus à une mutation génétique. La recherche va dans le sens d’un lien avec l’augmentation des modes d’alimentation inadaptés et de la sédentarité, mais peut-être aussi avec la pollution et les perturbateurs endocriniens.

En tout état de cause, ces avancées dans la définition de nouveaux types de diabète contribuent autant à faciliter certains traitements qu’à complexifier la prise en charge de certains cas.

Le patient : acteur central de la prise en charge de la maladie

Quel que soit son type, le diabète est une maladie chronique qui nécessite une forte implication du patient dans la prise en charge :

  • Le patient atteint de diabète de type 1 doit mesurer sa glycémie plusieurs fois par jour et s’injecter l’insuline en conséquence. Il doit aussi apprendre à anticiper et éventuellement gérer les épisodes d’hypoglycémie.
  • Le patient atteint de diabète de type 2 doit adapter son régime alimentaire et être attentif à son hygiène de vie, sous peine de voir ses résultats s’aggraver.

Cette participation active nécessite non seulement que le patient accepte l’aspect chronique de la maladie, mais aussi qu’il apprenne à effectuer les gestes appropriés.
Cela explique que la notion « d’éducation thérapeutique » ait été inventée par les diabétologues. Le patient va même devenir « expert » lorsqu’il aidera un « nouveau diabétique » à apprendre à se prendre en charge.

Diabétique mais pas seulement !
Le diabète occupe une grande place dans la vie du patient et dans sa relation avec les soignants. Il ne doit pas faire oublier pour autant les autres messages de prévention. Ainsi le dépistage du cancer du côlon ou du cancer du col de l’utérus sont moins systématiques chez les diabétiques que dans la population générale, au risque de diagnostics trop tardifs.

Le soignant : une approche pluridisciplinaire et innovante

La prise en charge d’un patient diabétique est nécessairement pluridisciplinaire car elle fait intervenir des professionnels de santé aux compétences complémentaires : médecin généraliste, diabétologue, et éventuellement personnel hospitalier, chirurgien, spécialistes (cardiologue, ophtalmologue, néphrologue), éducateur d’activité physique adaptée, diététicienne, psychologue, assistante sociale, etc. Sans oublier les entreprises de haute technologie et les pouvoirs publics.

Étudiée depuis des décennies, cette maladie bénéficie aujourd’hui de perspectives thérapeutiques extrêmement ouvertes, portées par de rapides progrès technologiques et par une recherche pharmacologique de pointe.

Une véritable révolution technologique

Le diabète est sans doute l’une des maladies les plus fortement impactées par l’émergence des objets connectés et de l’intelligence artificielle. En quelques années, le mode d’injection est passé de la seringue au stylo à usage unique, puis à la pompe à insuline. Pour mesurer sa glycémie, au lieu de se piquer le bout du doigt, le patient peut aujourd’hui s’équiper d’un capteur qui mesure en continu et déclenche des alarmes pour prévenir l’hypoglycémie. Les derniers systèmes de "pancréas artificiel" actuellement à l’étude en pédiatrie et chez l’adulte, visent à reproduire la sécrétion naturelle d’insuline grâce à une boucle fermée constituée d’un capteur relié à une pompe capable d’adapter automatiquement son débit.
Ces systèmes nécessitent des calibrages délicats et doivent s’accompagner de solutions de contrôle et de supervision pour être utilisés en toute confiance. Mais ils peuvent changer véritablement la vie des patients concernés.

Des évolutions médicamenteuses très prometteuses

Les connaissances physiopathologiques sur les processus de la maladie et les progrès scientifiques et pharmacologiques permettent de mettre au point des médicaments capables d’intervenir directement sur les mécanismes de sécrétion de l’insuline. Certains, comme les analogues du GLP1, administrés sous forme injectée ou orale, vont stimuler la sécrétion pancréatique. D’autres permettent de diminuer la charge glycémique et mieux contrôler la glycémie. La recherche porte également sur des molécules susceptibles de cibler les récepteurs cellulaires des lipides, des sels biliaires, des hormones du tube digestif afin de réguler la production d’insuline pancréatique.

L’ensemble des médicaments mis au point à travers le monde n’est pas forcément disponible en France car leur remboursement dépend de l’évaluation, par les autorités de santé, de leurs apports en termes d’amélioration du service rendu.

Vers de nouveaux modèles d’organisation de la prise en charge

Comme évoqué plus haut, le diabète se distingue par une évolution et une réaction aux traitements très différents d’un patient à l’autre. Un même médicament pourra produire des effets spectaculaires sur certains patients seulement, sans qu’il soit possible de déterminer à l’avance la molécule qui conviendra le mieux. La prise en charge doit donc être finement adaptée. Il faut parfois réaliser plusieurs essais et ajustements, ce qui n’est pas facile pour le patient.

Dans ce contexte, il est essentiel que les soignants puissent disposer d’une palette de solutions la plus large possible. Ils doivent également apprendre à adapter leurs pratiques afin d’offrir l’organisation la plus efficiente.

Une réflexion nationale est actuellement en cours pour élaborer un parcours patient « spécifique diabète » permettant d’optimiser la prise en charge en réseau. Mais cela soulève de nombreuses questions autour du rôle respectif des différents soignants (médecins généralistes, diabétologues, infirmières hospitalières et libérales, nutritionnistes…), de la délégation des tâches, de la rémunération du temps accordé au suivi à distance (télésurveillance et téléexpertise)… sans oublier la place centrale du patient, qu’il faut savoir accompagner et sécuriser alors qu’il devient de plus en plus expert et autonome.
Le débat est ouvert, il devra répondre à d’importants enjeux économiques et de santé publique.

Le département d’endocrinologie-diabétologie et nutrition du CHU d’Angers

Le département d’endocrinologie-diabétologie et nutrition (EDN) du CHU d’Angers assure le diagnostic et le traitement du diabète, des maladies endocriniennes et des maladies de la nutrition.
Il travaille en concertation avec l'unité d’endocrinologie pédiatrique pour la transition vers un suivi en secteur d’adultes des enfants devenus majeurs. Le département d'EDN est également en lien étroit avec les autres services de l’établissement pour optimiser la prise en charge du diabète grâce à l’équipe de diabétologie de liaison, les endocrinologues-diabétologues libéraux et les médecins généralistes.
Le service est initiateur de traitement par pompe à insuline, et participe à plusieurs protocoles de recherche clinique et essais thérapeutiques en diabétologie.