Souvent qualifié de « mal du siècle », le mal de dos génère chaque année entre 4 et 5 millions de consultations en France. Or il s’agit certainement de l’un des domaines médicaux qui véhiculent le plus d’idées reçues. Savons-nous faire la différence entre un lumbago, spectaculairement douloureux mais bénin, et une véritable sciatique nécessitant des soins ? Quelques repères simples permettent d’y voir plus clair, de décoder la douleur et les signaux d’alerte afin d’en parler correctement avec son médecin… sans oublier d’adopter les bonnes mesures préventives.

Pr Erick Legrand - portraitConférence du Pr. Erick Legrand

Conférence animée le 11 octobre 2016 par le Pr. Erick Legrand chef du service de rhumatologie du CHU d’Angers.
Rendez-vous organisé dans le cadre des Mardis de la santé, en partenariat avec la Ville d'Angers et le Courrier de l'Ouest.

 

Comprendre le fonctionnement de la colonne vertébrale

Le fonctionnement de notre colonne vertébrale dépend de trois structures complémentaires :

  • la structure osseuse : bien connue de tous, elle est constituée des vertèbres et des disques intervertébraux, qui jouent un rôle d’amortisseur. S’y ajoutent les articulaires postérieurs, petites articulations situées en arrière de chaque disque, et qui sont classiquement le siège de l’arthrose.
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  • la structure musculaire : elle comprend les muscles para vertébraux postérieurs qui sont contracturés lorsque l’on a un lumbago ; et les abdominaux, qui jouent un rôle très important pour le maintien de la colonne. De plus, si ces derniers sont suffisamment puissants, ils étirent la colonne et diminuent la pression sur les disques.
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  • le système nerveux : la moelle épinière, véritable prolongement du cerveau, circule à l’intérieur des vertèbres, qui la protègent. Elle descend jusqu’à la deuxième vertèbre lombaire et laisse passer, au niveau de chaque vertèbre, les racines nerveuses qui vont former les nerfs périphériques vers les membres supérieurs et inférieurs. Par conséquent, les maladies des vertèbres et des disques peuvent générer des douleurs en comprimant les racines nerveuses. Mais aussi – fait moins bien connu – tout dysfonctionnement cérébral (maladie, stress, angoisse, dépression, choc psychologique) pourra faciliter l’apparition de douleurs dorsales.

Savoir décoder la douleur

Une douleur dans le dos peut cacher différentes situations : connaître les signes cliniques permet de placer les bons mots sur les bons maux.
Les cas classiques :
  • Le lumbago (ou lombalgie aiguë) : très fréquent, il se caractérise par une douleur lombaire aiguë, intense, brutale, qui survient souvent après s’être penché, avoir soulevé une charge ou fait un long trajet en voiture. Dans le langage courant, c’est ce qu’on appelle « se faire un tour de rein ». Très spectaculaire, le lumbago est pourtant totalement bénin, la guérison survenant spontanément dans un délai de 3 à 6 jours. La seule chose à faire est prendre un traitement antidouleur et surtout reprendre la marche dès que possible. Il n’est pas utile d’en faire plus, ni d’en demander davantage à son médecin : les études ont démontré que le recours aux anti-inflammatoires ou à un ostéopathe ne sert à rien.
  • La lombo-sciatique : la sciatique se caractérise par une douleur souvent intense, irradiant jusque dans la cuisse, le mollet et le pied, et empêchant toute activité. Sa cause la plus habituelle, avant 60 ans, est une hernie discale : en se déformant, le disque vient comprimer le rachis lombaire à l’intérieur de la colonne et provoque son inflammation. Après 60 ans, d’autres causes peuvent survenir, comme l’arthrose et les tumeurs, qui restent rares. Curieusement, la sciatique évolue très souvent vers une guérison spontanée, en quelques mois. Certains traitements permettent de soulager la douleur (antalgiques, anti-inflammatoires, infiltrations de cortisone). La chirurgie, très efficace, divise par trois le temps d’évolution mais n’est pratiquée qu’en cas de nécessité. Enfin, il faut absolument éviter les manipulations vertébrales, susceptibles d’aggraver la situation.
  • La lombalgie chronique : il s’agit une lombalgie qui ne guérit pas au bout de quelques mois, malgré les soins ou l’absence de causes apparentes. S’ils ne représentent que 5 à 7% des cas, ces patients génèrent 70% des coûts de santé liés aux douleurs dorsales (en consultations, traitements et arrêts de travail). Cette pathologie complexe a souvent plusieurs causes enchevêtrées, en particulier psychosomatiques : l’insatisfaction au travail, un mal-être dans la vie privée, une dépression (on en a « plein le dos » !) ou encore une procédure médico-légale non résolue. La prise en charge de cette pathologie passe par l’amélioration de la condition physique et psychologique du patient, et son orientation vers un spécialiste approprié : médecin du travail, psychologue clinicien ou psychiatre, etc.
Les autres maladies particulières de la colonne :
  • La spondylarthrite ankylosante : cette maladie inflammatoire, qui peut toucher les vertèbres, les articulations et les tendons, concerne les jeunes. Elle se révèle entre 15 et 30 ans et s’accompagne d’un mal de dos très particulier, violent au repos (au réveil par exemple) et disparaissant à l’effort. Si sa cause reste inconnue, elle est souvent liée à une prédisposition familiale, et associée à des cas de psoriasis ou de maladie inflammatoire digestive (maladie de Crohn). Il existe un traitement médicamenteux spécifique, assez coûteux mais d’une efficacité remarquable.
  • La fracture vertébrale : à partir de 60 ans, la douleur lombaire ou dorsale peut être due à des fractures vertébrales spontanées, qui surviennent lors d’une chute anodine ou d’un simple mouvement inhabituel. Ces fractures sont dues à l’ostéoporose, qui entraîne une fragilité osseuse. C’est pourquoi en cas de douleur dorsale, la radiographie devient systématique après 55 ans. Trois fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme, la fracture vertébrale peut être combattue grâce à des traitements de fond très efficaces pour renforcer le squelette et s’opposer à la perte de tissus osseux.

Reconnaître les signaux d’alerte

Certains signes cliniques doivent être interprétés comme des « signaux d’alerte » et entraîner une consultation immédiate :

  • Une douleur située dans la région thoracique, entre les omoplates (dorsalgie) : il s’agit souvent d’une douleur « projetée », due en réalité à une infection intra-thoracique. Elle peut donc cacher une pathologie cardiaque (infarctus du myocarde), une pathologie de la plèbe et des poumons, de l’aorte, de l’estomac, de l’œsophage…
  • La fièvre : un mal de dos ou de cou accompagné de fièvre peut cacher une pathologie sérieuse. Il faut donc penser à prendre sa température et consulter en cas de fièvre.
  • La qualité de la marche : une douleur qui n’empêche pas une marche normale est vraisemblablement bénigne ; à l’inverse, si la marche devient impossible il faut consulter.
  • L’âge est un facteur aggravant : après 55 ans, il faut être plus attentif à la douleur et ne pas hésiter à consulter.

Peut-on éviter le mal de dos ?

Il faut savoir être philosophe : il serait illusoire de vouloir passer toute une vie sans subir un jour un torticolis ou un lumbago. Le mal de dos, tout comme le rhume, fait partie des petits maux courants, réglés la plupart du temps en quelques jours avec un peu d’antalgique… Cependant, quelques mesures simples permettent de limiter les risques :
  • La première chose à faire est de bouger ! Ce qui « fait le lit » du mal de dos récurrent, c’est la sédentarité. La colonne vertébrale ne peut pas fonctionner de façon harmonieuse avec des muscles atrophiés. Or notre mode de vie est très sédentaire. Il faut donc faire au moins 3 heures par semaine d’activité physique (marche à allure rapide, escaliers, vélo) ou de sport, soit 30 minutes par jour. Il est intéressant de souligner que ce sont les mêmes seuils qui protègent des maladies cardiovasculaires et des cancers.
  • La deuxième nécessité est de se sevrer du tabac. Le tabagisme est un facteur de risque d’apparition du mal de dos chronique.
  • Le troisième champ d’action concerne l’environnement professionnel : une organisation des postes de travail évitant les taches répétitives, diminue les contraintes sur le dos et réduit les risques d’ennui.
  • Enfin, il sert à rien de demander des soins à outrance à son médecin. Il faut avoir confiance dans son diagnostic et savoir que si ce n’est pas une pathologie grave, cela passera tout seul !

Le CHU d’Angers : une offre de soins complète

Le CHU d’Angers compte plusieurs services impliqués dans le diagnostic, le soin et le traitement du mal de dos :