À mesure que l’on vieillit, la fonction visuelle devient une préoccupation importante. Il existe, en effet, des troubles ou maladies oculaires dont la prévalence augmente nettement avec l’âge : la presbytie, la sécheresse oculaire, la cataracte, les glaucomes, la dégénérescence maculaire liée à l’âge...
Si ce vieillissement est inéluctable, les progrès perpétuels effectués en matière d’ophtalmologie offrent de nouvelles perspectives face à ces différentes pathologies. Il ne reste pas moins important d’en connaître les symptômes, les facteurs de risques ou de prévention et les modes de traitement.

Conférence du Dr Philippe Gohier

Conférence animée par le Dr Philippe Gohier, chef du service d’Ophtalmologie du CHU d’Angers.

1 - La presbytie

Il ne s’agit pas d’une pathologie mais d’un phénomène de vieillissement normal : une perte de souplesse du cristallin, qui entraîne une incapacité progressive de l’œil à accomoder de près.
La presbytie survient généralement autour de 45 ans et représente pour beaucoup l’âge des premières lunettes, symbole visible du vieillissement…
Si, dans un premier temps, un bon éclairage et l’éloignement du support de lecture (« les bras qui s’allongent ») permettent de compenser, ce processus évolutif est toutefois inévitable et finit par nécessiter une correction.
Chez les myopes, la presbytie est parfois compensée par la myopie et permet de retrouver une vision de près sans correction.
 

Comment compenser ou traiter la presbytie ?

  • Les dispositifs de correction : lunettes de lecture, verres progressifs, plus récemment lentilles souples multifocales... Il faut adopter une correction adaptée aux besoins réels et donc croissante avec l’âge.
  • La chirurgie au laser, qui permet notamment pour les jeunes presbytes de gagner quelques années sur ce phénomène, qui reste toutefois inévitable.
  • La chirurgie du cristallin, qui permet aussi de corriger la vue de près, mais ne convient pas à tous les yeux et comporte les risques liés à toute intervention chirurgicale, qu’il ne faut pas banaliser.

2 - La cataracte                                  

Déficit du champ visuelLa cataracte est liée également à un vieillissement normal de l’œil. L’opacification progressive du cristallin finit par altérer la vision. Mais elle ne touche pas tout le monde de la même façon : l’exposition au soleil et aux UV ainsi que le diabète constituent des facteurs de risque avérés.
Une alimentation équilibrée et le port de lunettes de soleil, dès l’enfance, contribuent donc à se prémunir de la cataracte.
 

Comment traiter la cataracte ?

Il n’existe qu’un traitement curatif, par chirurgie : le remplacement du cristallin par une lentille synthétique. Souvent, cette lentille peut également corriger les troubles de la vision associés (hypermétropie, myopie, presbytie, et même astigmatie). L’amélioration de la vision est très nette, voire spectaculaire dans la plupart des cas.

3 - La sécheresse oculaire

Avec l’âge, la quantité et la qualité du film lacrymal diminuent aussi. L’œil est plus facilement sec, ce qui peut rendre le port de lentilles de contact inconfortable. Cette sécheresse oculaire est invalidante en termes de qualité de vie.
Multifactorielle, cette maladie est liée à deux causes principales :

  • Soit une insuffisance de sécrétion des larmes,
  • Soit une dégradation de la qualité du film lacrymal (dysfonctionnement des glandes de Meibomius, à l’intérieur des paupières)

Cette pathologie tend à augmenter avec les modes de vie moderne et notamment l’ordinateur, qui entraîne une raréfaction du clignement des paupières.
 

Comment traiter la sécheresse oculaire ?

Quelques mesures environnementales permettent de limiter la sécheresse oculaire : éviter les systèmes de climatisation et ventilateurs, utiliser des humidificateurs, adopter une alimentation équilibrée et riche en oméga 3. Certains médicaments, notamment les psychotropes, sont aggravants.
En cas d’insuffisance de sécrétion, les substituts lacrymaux (larmes artificielles) permettent de compenser en partie la gêne.
En cas de maladie meibomite, des soins d’hygiène des paupières éventuellement associés à un traitement antibiotique local ou général seront nécessaires.

4 - Les glaucomes                    

Il s’agit de maladies dégénératives du nerf optique, qui provoquent une diminution progressive et irrémédiable du champ de vision, et dans les cas extrêmes la cécité.
Importante cause de cécité dans le monde, les glaucomes touchent 2% des personnes de plus de 40 ans en France, soit 500 000 personnes environ.

Il existe deux types de glaucome particulièrement liés au vieillissement :

  • Le glaucome chronique à angle ouvert, qui entraîne une hypertonie (tension excessive) oculaire néfaste pour les fibres du nerf optique. Le principal danger de cette pathologie est qu’elle ne présente aucun symptôme perceptible. Les fibres s’altèrent au niveau de la tête du nerf optique sans que le patient ne s’en rende compte, parfois jusqu’à un stade très avancé. Cette forme de glaucome, la plus fréquente, apparaît généralement après 50 ans.
  • Le glaucome primitif par fermeture de l’angle, dû à une obturation de l’évacuation naturelle de l’humeur aqueuse (liquide biologique qui remplit l’intérieur de l’œil). Il se manifeste par une montée brutale et douloureuse de la tension oculaire, pouvant entraîner des dégâts importants et irrémédiables en quelques heures. Certains yeux y sont plus sujets que d’autres, en particulier les hypermétropes. Un geste préventif par laser est possible pour les sujets à risque.

Différents examens de consultation ophtalmologique permettent de dépister les glaucomes, en particulier la prise de tension, l’examen du champ visuel, l’OCT (scanner de la tête du nerf optique). Il est conseillé de s’y soumettre régulièrement à partir de 40 ans.
 

Comment traiter les glaucomes ?

  • D’abord par traitement médicamenteux (collyres essentiellement), parfois associé à un traitement laser de l’angle irido-cornéen.
  • Si cela ne suffit pas, la chirurgie permet d’améliorer l’évacuation de l’humeur aqueuse.
  • Un ultime type de traitement par laser-diode est à réserver en dernière intention car son ajustement reste délicat.

5 - La Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA)

DMLA atrophique oeil gaucheCette pathologie atteint la zone centrale de la rétine et entraîne une perte de la vision centrale. Sa prévalence augmente avec l’âge, en particulier après 60 ans, et le tabagisme constitue un facteur de risque avéré.

L’on distingue :

  • La DMLA sèche atrophique, de loin la plus fréquente,
  • La DMLA humide, où la rétine est colonisée par des vaisseaux sanguins.

Les symptômes sont nombreux et non spécifiques : perte de perception des contrastes, perte d’acuité visuelle centrale, déformation des lignes droites, apparition d’une tache sombre au centre du champ de vision.
 

 

Comment traiter la DMLA ?

  • Pour la DMLA sèche, des études menées aux États-Unis ont prouvé l’efficacité de certains compléments alimentaires. Cependant, ces produits non médicamenteux restent relativement coûteux, et ces études ont été réalisées outre-Atlantique, où les régimes alimentaires sont différents de l’Europe.
  • La DMLA humide se traite, elle, par injections intraoculaires d’anti-angiogéniques.

6 - L’œil peut aussi alerter sur d’autres risques

Directement en lien avec le cerveau, l’œil peut alerter notamment sur l’imminence d’un accident vasculaire cérébral (AVC).
Ainsi, une baisse brutale de l’acuité visuelle sur un seul œil, durant quelques secondes, ou quelques minutes, une perte partielle du champ visuel, ou encore une vision soudainement dédoublée peuvent être autant de signes avant-coureurs d’un éventuel AVC.
Il faut dans ce cas consulter immédiatement.

7 – Quelques conseils pour prévenir les pathologies liées au vieillissement oculaire

  • Le premier réflexe doit être évidemment de consulter immédiatement dès lors que l’on constate une baisse anormale de l’acuité visuelle.
  • Dans tous les cas, il est conseillé d’effectuer une visite systématique chez l’ophtalmologiste vers l’âge de 50 ans, puis une visite de routine tous les deux ou trois ans, par exemple à l’occasion d’un remplacement de lunettes.
  • Attention, un simple passage chez l’opticien ne permet pas de détecter un éventuel glaucome ou facteur de risque de glaucome, une maculopathie liée à l’âge, une sécheresse oculaire, de dépister une tumeur conjonctivale ou choroïdienne. En effet, cela nécessite de réaliser un examen clinique, seulement réalisé par l’ophtalmologiste.
  • Enfin, le port de lentilles doit s’accompagner d’infinies précautions en termes d’hygiène et de qualité certifiée des produits.

8 - La basse vision : apprendre à vivre avec une vision dégradée

Dans le cas d’une baisse d’acuité visuelle irréversible, le Centre Régional Basse Vision, situé à Angers, propose de nombreuses solutions pour apprendre à mieux vivre avec un handicap visuel : aides optiques (loupes, télé-agrandisseurs), mais aussi rééducation et accompagnement personnalisé pour se rééduquer à la locomotion et apprendre à adapter son environnement de vie.

Le service d’ophtalmologie du CHU d’Angers

Ce service assure la consultation et la prise en charge médicale et chirurgicale de l’ensemble des pathologies de l’œil, à tous les âges de la vie.
Reconnu pour son expertise de pointe sur le glaucome et la neuro-ophtalmologie et le vieillissement oculaire, le service d’ophtalmologie du CHU d’Angers mène notamment une importante dynamique de recherche autour de ces thématiques, en collaboration étroite avec les Pr Cédric Annweiler (gériatre), Pascal Reynier (biochimie et biologie moléculaire), Vincent Procaccio (génétique moléculaire), Dominique Bonneau (génétique) et Guy Lenaers (biologie cellulaire, médecine mitochondriale). Ces travaux de recherche sont menés au sein du Pôle de Recherche et d'Enseignement en Médecine Mitochondriale (PREMMI – Université d’Angers), 1er consortium français de médecine mitochondriale.