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Selon la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (Sfar), plus de 13 millions d’anesthésies sont pratiquées chaque année en France, dont près de 30 000 pour le seul CHU d’Angers. L’anesthésie est donc un acte médical extrêmement fréquent, auquel chacun de nous sera sûrement confronté au cours de sa vie : pour une intervention chirurgicale, lors d’un accouchement, à la suite d'un accident, à l’occasion d’un examen sous anesthésie…
Or, l’anesthésie reste un domaine mal connu des Français, et qui véhicule de nombreuses idées reçues. En particulier autour des risques qu’elle représente, ou des éventuelles difficultés liées au réveil. Pourtant, les progrès techniques réalisés ces dernières années ont permis de parvenir à une parfaite maîtrise du risque.
Conférence du Pr Sigismond Lasocki
Conférence animée par le Pr Sigismond Lasocki, chef de service du Département Anesthésie-Réanimation du CHU d’Angers.
Peurs ancestrales contre sécurité avérée
L’anesthésie est sans doute victime de la persistance de certains clichés hérités des balbutiements de la discipline. Il est vrai qu’à une époque lointaine, l'anesthésie était effectuée directement par le chirurgien à l’aide de moyens aléatoires comme l’alcool ou le chloroforme. Plus récemment, le cinéma a souvent assimilé l’endormissement au masque à une angoissante asphyxie. Bien que très obsolètes, ces images anciennes restent dans la mémoire collective et contribuent à entretenir une appréhension aujourd’hui totalement injustifiée.
Car en réalité, l’anesthésie est l’une des spécialités médicales les mieux encadrées et les plus sûres. Depuis 1994, à l’initiative de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation, la législation a rendu obligatoire deux consultations pré-anesthésiques avant toute opération chirurgicale, l’une au moins 48 heures avant l’opération et la seconde dans les 24 heures qui précèdent l’intervention. Une surveillance en salle de réveil est également obligatoire après l’opération, si la nature de celle-ci le nécessite.
Cette responsabilisation de la discipline, qui a demandé à être légiférée dans un souci de sécurité, a permis de diviser par 10 le nombre de complications en quelques années. Aujourd’hui, le risque d’événement en anesthésie est de l’ordre de 1 sur 100 000 à 200 000, soit très inférieur à celui d’une intervention chirurgicale, ou même d’un simple traitement médical ! Ce niveau de sécurité est comparable à celui du monde de l’aéronautique.
L’anesthésie générale : au plus près des besoins et des réactions du patient
L’anesthésie générale consiste à endormir le patient à l’aide de médicaments, suffisamment profondément pour qu’il ne ressente rien durant l’opération.
L’anesthésie générale met en œuvre trois familles de médicaments : les hypnotiques qui provoquent l’endormissement, les morphiniques qui luttent contre la douleur, et le curare qui entraîne un relâchement des muscles. Ce dernier n’est pas systématique, il dépend des besoins chirurgicaux.
L’endormissement par injection et/ou inhalation de gaz
La plupart du temps, l’endormissement (l’induction de l’anesthésie) se fait par perfusion intraveineuse. Les jeunes enfants peuvent être endormis au masque, afin de leur éviter le stress d’une pose de perfusion avant l’opération.
Ensuite, durant l’opération, l’entretien de l’anesthésie se fait le plus souvent par inhalation de gaz, qui présente l’intérêt d’une réactivité très immédiate sans accumulation dans l’organisme. Cependant, certaines conditions particulières, par exemple des difficultés d’accès aux voies respiratoires, peuvent nécessiter l’entretien de l’anesthésie par perfusion.
La respiration artificielle
L'un des points critiques de l’anesthésie générale est la gestion des voies respiratoires, au moment de l’endormissement et du réveil. En effet, cet endormissement profond rend le patient incapable de respirer par lui-même. Il se retrouve placé en apnée, ce qui nécessite de l’intuber pour le faire respirer artificiellement pendant la durée de l’anesthésie. L’intubation permet également d’empêcher le patient d’inhaler accidentellement d’éventuelles régurgitations de l’estomac.
Voilà qui répond à deux questions fréquentes :
- Pourquoi fait-on toujours inhaler de l’oxygène au patient avant de l’endormir ? Pour « booster » ses réserves et donner le temps aux médecins de pratiquer l’intubation.
- Pourquoi faut-il se présenter à jeun à une opération avec anesthésie ? Afin de limiter les risques de régurgitation.
La surveillance du patient
Élément fondamental de la sécurité, la surveillance du patient a bénéficié d’améliorations considérables depuis une quinzaine d’années. Les équipements actuels de monitorage permettent de surveiller plusieurs facteurs simultanément : cœur, tension, mais aussi profondeur du sommeil grâce à des électroencéphalogrammes. L’anesthésiste dispose donc d’un véritable « tableau de bord » pour contrôler l’état du patient et ses réactions, et adapter si besoin le traitement.
Les progrès du monitorage
L’anesthésie locorégionale : au plus près du nerf concerné
L’anesthésie locorégionale consiste à « endormir » les nerfs de la région opérée, afin d’éviter la douleur tout en laissant le patient éveillé et conscient. Elle peut concerner les nerfs périphériques, pour les bras et les jambes, ou la colonne vertébrale pour les péridurales et les rachianesthésies.La priorité, dans ce cas, est d’injecter le médicament le plus près possible des nerfs concernés, afin de garantir l’efficacité des médicaments tout en limitant leur dosage. Grâce aux progrès technologiques, ces injections sont aujourd’hui fréquemment réalisées sous échographie : cela permet à l’anesthésiste de placer très précisément l’aiguille et d’ajuster le dosage en toute connaissance de cause. Pour le patient, la sécurité se trouve renforcée.
Associée à l’anesthésie générale
L’anesthésie locorégionale est de plus en plus souvent associée à l’anesthésie générale : effectuée en amont de l’opération, elle permet d’endormir le patient avec des doses réduites de médicaments, et donc de diminuer leurs effets secondaires au réveil (nausées et vomissements).Maternité : une autre approche de la péridurale
Anesthésie et coma
Si le rôle de l’anesthésie est d’anticiper les risques et d’accompagner le patient pendant l’opération, il arrive qu’un suivi soit également nécessaire en réanimation.Dans ce cas, le médecin peut être amené à pratiquer des anesthésies utiles aux soins : c’est ce que l’on appelle le coma artificiel, qui va de la sédation légère pour soulager le patient jusqu’à la sédation profonde, par exemple pour mettre le cerveau au repos durant un certain temps. Il n’est pas rare d’endormir ainsi durant plusieurs semaines un patient souffrant par exemple d’un traumatisme crânien.
Cette technique du coma artificiel, parfaitement maîtrisée et sans séquelle, est parfois mal différenciée des autres formes de coma :
- les comas toxiques (ivresse aiguë, médicaments…) dont l’évolution est très rapidement favorable à mesure de l’élimination physique des produits.
- Les comas d’origine vasculaire (hémorragie méningée, rupture d’anévrisme, AVC), dont la rapidité d’amélioration dépend de la résorption de l’œdème ou de l’hémorragie.
- Les comas traumatiques (choc crânien), dont l’amélioration ne peut souvent être diagnostiquée qu’à moyen ou long terme.
L’anesthésiste, pilote de l’endormissement et du réveil du patient
Cette image du « pilote » n’est pas choisie au hasard, puisque l’univers de l’aéronautique a inspiré de nombreux aspects de l’organisation et de la formation des équipes d’anesthésie-réanimation : le travail en équipe, la définition stricte des rôles en lien étroit avec les chirurgiens, la circulation des informations pour assurer la continuité des soins, l’utilisation de check-lists, jusqu’aux séances régulières de formation sur simulateur pour apprendre à réagir devant des situations les plus rares ou extrêmes.Toutes les procédures sont mises en place pour maîtriser le risque et faire de l’anesthésie l’un des facteurs du bon déroulement des interventions chirurgicales.
Le département d’anesthésie-réanimation du CHU d’Angers
Ces activités représentent, chaque année, 330 hospitalisations de jour, 2 000 hospitalisations traditionnelles, près de 20 000 consultations et 30 000 actes d’anesthésie.
Le CHU d’Angers est particulièrement impliqué dans différents programmes visant à faire progresser cette discipline, notamment :
- L’étude sur le logiciel Smartpilotview, publiée en 2017 dans le British Journal of Anaesthesia
- La mise en place d'un programme de péridurale ambulatoire à la maternité
- Le programme OZET (Obejctif Zéro Transfusion) pour limiter les transfusions péri-opératoires (avec près d'une dizaine de publications internationales).